Je fais souvent ce rĂȘve Ă©trange et pĂ©nĂ©trant dâune femme inconnue, et que jâaime et qui mâaime, et qui nâest, chaque fois, ni tout Ă fait la mĂȘme ni tout Ă fait une autre, et mâaime et me comprend. ⊠Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je lâignore. Son nom ? Je me souviens quâil est doux et sonore comme ceux des aimĂ©s que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues, et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a lâinflexion des voix chĂšres qui se sont tues. 1La voix est le plus vieil instrument jamais pratiquĂ© par lâhomme; instrument qui nous plonge fondamentalement au cĆur de lâoriginaire et des modalitĂ©s archaĂŻques de lâidentitĂ©. Rien dâĂ©tonnant Ă ce que, sur le plan phylogĂ©nĂ©tique, les psychologues comme les anthropologues continuent de sây intĂ©resser. Ainsi, dans une rĂ©cente recherche [1], une Ă©quipe de psychologues de lâUniversitĂ© Duke de Durham Ătats-Unis sâest attachĂ©e Ă dĂ©montrer lâhypothĂšse que les douze degrĂ©s chromatiques intervalles de demi-tons de la musique toutes musiques confondues du classique aux musiques orientales, en passant par le jazz, et le rock sont nĂ©s des formants [2] du spectre de la voix parlĂ©e qui dĂ©terminent la comprĂ©hension des voyelles distinctes, et dâen conclure que si les musiques du monde jonglent avec ces briques Ă©lĂ©mentaires » de la musique, câest parce quâelles nous parviennent du fonds des Ăąges de la voix. De mĂȘme si lâon peut envisager avec A. Leroi-Gourhan que les palĂ©anthropiens chantaient certainement », et se figurer que ce qui sous-tendait leurs exercices vocaux [Ă©tait] plus lâexpression de sentiments que la formulation dâidĂ©es complexes [3] » A. Leroi-Gourhan, 1964, il faut bien voir que sâil y a eu la possibilitĂ© du langage, ce ne fut quâĂ partir du moment oĂč la prĂ©histoire a livrĂ© des outils, puisque outils et langage sont liĂ©s neurologiquement et puisque lâun et lâautre sont indissociables dans la structure sociale de lâhumanitĂ© [4]. » A. Leroi-Gourhan, 1964 Plusieurs auteurs B. de Boysson-Bardies, C. Trevarthen, P. HallĂ© reprennent cette hypothĂšse que la voix ait fait partie de la premiĂšre performance musicale créée par lâespĂšce humaine [5] » Trevarthen C., 2005 en faisant le lien, sur le plan ontogĂ©nĂ©tique, avec la sensibilitĂ© prĂ©coce des nourrissons Ă la musicalitĂ© de leur langue maternelle principalement Ă la prosodie [6] . SensibilitĂ© Ă lâorigine des premiĂšres discriminations des Ă©lĂ©ments prĂ©sents au sein du flot de parole les environnant, et des premiĂšres expĂ©riences dâĂ©change et de communication. ENTRE CROYANCES POPULAIRES ET ĂSOTĂRISME PĂDAGOGIQUE LâART DU CHANT2Que ce soit dans un quotidien artistique lors de rĂ©pĂ©titions, de sĂ©ances de maquillage, dâattente dans les loges et de fĂ©brilitĂ© dans les coulisses juste avant lâentrĂ©e en scĂšne comme dans lâintimitĂ© du travail entre collĂšgues chanteurs et acteurs, avec les chefs dâorchestres et de chĆurs, les metteurs en scĂšnes, avec les professeurs et chefs de chants, ou Ă travers une expĂ©rience de psychanalyste et de psychologue en psychiatrie auprĂšs de patients adolescents et adultes notamment dans de le cadre dâateliers Ă mĂ©diation, les diverses expĂ©riences du corps et de la voix comme mĂ©dium artistique ou thĂ©rapeutique ne cessent de venir interroger ce champ immensĂ©ment variĂ© et, chaque fois, singuliĂšrement renouvelĂ©, des formes et dĂ©formations du vivant, au travers de ses inventions psychiques [7] » P. FĂ©dida, 2004. 3Ainsi, depuis une dizaine dâannĂ©es, force est de constater lâextraordinaire engouement pour le chant et lâessor formidable de la pratique vocale amateur sous toutes ses formes cours de chant individuel, stages de dĂ©veloppement personnel, coaching vocal, acadĂ©mies tĂ©lĂ©visuelles, floraison extraordinaire de chorales amateurs toujours plus nombreuses, succĂšs populaires de films sur ce sujet etc.. Pourtant dans lâimagerie populaire une croyance reste tenace. Dans ce monde il y aurait deux sortes de voix. Celles ordinaires, certes parfois belles et sonores, mais le plus souvent quelconques, ternes et qui ne portent pas, et celles qui forcent notre admiration par leur timbre et Ă leur agilitĂ© celles des chanteurs professionnels, qui par leur travail initiatique de la vocalise, sous lâĆil, ou plutĂŽt lâoreille attentive du maĂźtre de musique, nâauraient fait que dĂ©velopper les qualitĂ©s, notamment de justesse, du bel organe dont ils auraient Ă©tĂ© dotĂ© Ă la naissance. La voix serait ainsi un don; dâaucuns seraient douĂ©s dâune voix juste et gracieuse, dâautres pas, sans espoir de changer ce dont la nature les aurait dĂ©finitivement dotĂ©s. Câest bien Ă©videmment ignorer la dimension essentielle quâĂ©voque A. Leroi-Gourhan, et qui est Ă©vidente pour tout autre instrument la voix est un outil. Il est vrai, comme le souligne C. Fournier, que lâoutil vocal nous est livrĂ© clĂ© en main Ă la naissance alors que la pratique dâun instrument dĂ©bute dans une dĂ©marche⊠de construction de lâoutil monter les cordes dâun violon, accorder un piano, tendre lâarchet [8] âŠÂ» C. Fournier, 1997. On peut ainsi comprendre pourquoi dĂ©velopper sa voix ou celle dâun autre puisse ĂȘtre une expĂ©rience intime se vivant, sâimprovisant mĂȘme, souvent audelĂ de tout discernement, et toujours par coups de cĆur, et que dans la mesure oĂč lâobjectif ultime est de laisser libre cours Ă la sensibilitĂ© de lâindividu, Ă sa crĂ©ativitĂ©, on oublie, ou plutĂŽt, on sâautorise Ă ignorer lâoutil. » DĂšs lors, le phĂ©nomĂšne vocal dans son approche descriptive se confond avec lâimpression sensorielle, lâenseignement devient image⊠et dans la foulĂ©e, lâamalgame sâopĂšre entre lâidĂ©al musical et lâidole du disque qui le symbolise [9] » C. Fournier, 1999. 4DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1920, les nombreuses publications consacrĂ©es au chant fondent leurs explications du mĂ©canisme vocal, soit sur lâexpĂ©rience subjective de lâartiste lyrique, soit sur les recherches de lâhomme de science. Les auteurs appliquent alors au chant les rĂ©centes dĂ©couvertes de la mĂ©decine, de la phonĂ©tique et de lâorthophonie, dans lâespoir de rĂ©volutionner la connaissance de la technique vocale. Ă partir des annĂ©es 40, la plupart des Ă©crits destinĂ©s aux chanteurs et aux enseignants proposent des descriptions des aspects physiques du chant, destinĂ©es Ă Ă©tayer des prĂ©ceptes issus de lâexpĂ©rience des interprĂštes. Cependant, aujourdâhui encore, dans le milieu professionnel [10], et malgrĂ© la dĂ©sormais large diffusion de publications sur lâanatomie et le fonctionnement vocal, technique vocale et rĂ©alitĂ© anatomique continuent bien souvent Ă se jauger de loin, perpĂ©tuant cette aura de mystĂšre, voire dâĂ©sotĂ©risme, propre Ă lâidĂ©al du bel canto, du beau chant. Il est vrai quâen matiĂšre de voix, et en particulier de voix chantĂ©e, la notion du beau » vocal est bien difficile Ă cerner. MĂȘme en chant, le terme de bel canto est devenu un mot de passe du 20e siĂšcle qui se manifeste sous la forme de terminologies contradictoires jalonnĂ©es de revendications, de possessivitĂ©s, des plus suspectes. Cela est dĂ» Ă lâimpossibilitĂ© de dĂ©finir le terme au-delĂ de son acception littĂ©rale beau chant [11] » R. Miller, 1986. Lorsque Kant, sâopposant Ă lâidĂ©e platonicienne selon laquelle le Beau, le Vrai et le Bien seraient indissociables, envisage pour sa part que le beau nâest pas un concept transcendant mais un produit de notre imagination, se substitue Ă lâidĂ©e dâune harmonie objective des proportions celle dâune harmonie subjective, lâimagination jouant librement avec la raison pour devenir le sentiment du beau. Câest le philosophe A. Baumgarten au 18e siĂšcle qui forgera Ă proprement parler la notion dâesthĂ©tique en mettant Ă jour ce quâaujourdâhui lâon pourrait appeler une dimension cognitive du Beau, en concevant lâesthĂ©tique comme une science reliant le Beau, lâArt, et lâexpĂ©rience sensible, dans une poĂ©tique universelle. Aujourdâhui les neurosciences sâintĂ©ressent beaucoup Ă la maniĂšre dont la sensibilitĂ©, les sentiments, les Ă©motions colorent notre perception du beau. Et en constatant que, lorsque nous observons un tableau une scĂšne ou un visage que nous trouvons beaux, certaines aires du circuit cĂ©rĂ©bral de la rĂ©compense responsable du plaisir et de la dĂ©pendance aux drogues sâactivent, elles fournissent un nouvel Ă©lĂ©ment aux tenants de la beautĂ© subjective. Ceci rejoint la notion dâesthĂ©tique vocale. En effet, comme le souligne le pĂ©dagogue R. Miller il est typique de voir les chanteurs se prĂ©occuper surtout de lâeffet produit en reprĂ©sentation du rĂ©sultat esthĂ©tique, et nâaccorder que peu dâattention aux facteurs physiques et acoustiques de lâĂ©mission sonore. Or, toute technique vocale repose sur des postulats dĂ©finissant le rĂŽle jouĂ© par les Ă©lĂ©ments physiques dans la production du son. Les diffĂ©rentes opinions qui se font jour sont liĂ©es non seulement Ă des prĂ©fĂ©rences dâordre esthĂ©tiques, mais aussi aux principes physiques les mieux appropriĂ©s Ă la production sonore recherchĂ©e. » Ainsi, pour R. Miller, lâefficacitĂ© phonatoire dâune technique de chant doit se mesurer Ă la maniĂšre dont elle permet de se rapprocher au plus prĂšs dâun rĂ©sultat esthĂ©tique prĂ©vu, au prix dâun moindre effort. » Et de noter combien la libertĂ© du fonctionnement vocal est en gĂ©nĂ©ral considĂ©rĂ©e comme une importante composante du plaisir procurĂ© par un son chantĂ©. » Le plus haut degrĂ© de libertĂ© physique constituant sans doute lâun des plus fidĂšles critĂšres de jugement esthĂ©tique de la voix chantĂ©e [12]. » R. Miller, 1986 PRINCIPES FONCTIONNELS DE LA PHONATION 5Cependant, ceci se complique si nous envisageons par ailleurs cette vĂ©ritĂ© pour tout chanteur, ou amateur de chant, quâen matiĂšre de voix chantĂ©e, beau nâest pas synonyme de fonctionnel », les arcanes intrapsychiques de lâesthĂ©tique brouillant Ă souhait les pistes de la physiologie, et de lâharmonie vocale idĂ©ale. Dâautant que cette idĂ©e de libertĂ© fonctionnelle » nâest pas aussi Ă©vidente quâil peut y paraĂźtre dans le projet de pĂ©dagogie systĂ©matique » de R. Miller. Car, si les donnĂ©es issues de la physiologie vocale nous montrent que lâefficacitĂ© phonatoire repose bien sur lâapparence dâune voix libĂ©rĂ©e », les mĂȘmes Ă©lĂ©ments physiologiques nous apprennent aussi que la bonne » phonation est le fruit de la meilleure pondĂ©ration possible dâun systĂšme hypercomplexe fait de rĂ©sistances, dâantagonismes, et de tensions pneumophonatoires, bref dâun conflit permanent lâac cord phonorĂ©sonantiel. En effet, lâappareil vocal, ou systĂšme phonatoire, est conditionnĂ© par la mise en synergie de trois Ă©lĂ©ments fondamentaux. Tout dâabord la soufflerie », constituĂ©e dâune part par le rĂ©servoir dâair des poumons actionnĂ©s par les muscles thoraciques et abdominaux, et dâautre part dâun canal la trachĂ©e artĂšre conduisant lâair aux cordes vocales. Ensuite le vibrateur » sur un larynx fermĂ©, les cordes vocales vont fonctionner un peu comme les lĂšvres lorsque lâon siffle pressĂ©es lâune contre lâautre, en soufflant de lâair Ă travers, lâĂ©cartement laisse passer un peu dâair, puis les lĂšvres se referment. Enfin, il faut envisager les rĂŽles respectifs des rĂ©sonateurs » pharynx, bouche, fosses nasales⊠et du systĂšme articulateur » composĂ© principalement de la langue, des dents, des lĂšvres, de la mandibule et du voile du palais. Mises en vibration par une compression sous-glottique de lâair sous lâaction de la musculature respiratoire tandis quâelles sont en adduction et en tension, les cordes vocales, au moment oĂč la rĂ©sistance glottique est vaincue par la colonne dâair, sâĂ©cartent, ce qui permet Ă lâair de sâĂ©couler Ă travers la glotte, et rĂ©duit ainsi la pression sous-glottique. Les cordes vocales se referment ensuite sous lâinfluence dâun triple effet dâĂ©lasticitĂ© propre, de rĂ©tro-aspiration mĂ©canique, et de la contrainte due Ă la pression extĂ©rieure qui rĂ©tablit la rĂ©sistance glottique et la pression sous-glottique. Lors de lâextĂ©riorisation de la voix, les phĂ©nomĂšnes de rĂ©sonance prennent le relais des forces aĂ©rodynamiques jusquâici Ă lâĆuvre. Les forces exercĂ©es prĂ©sentes de part et dâautre des cordes vocales, câest-Ă -dire les pressions sous et sus-glottiques, doivent se contrebalancer afin dâĂ©viter un travail laryngĂ© excessif et converger vers un Ă©quilibre de leur valeur lâac cord pneumophonique , en acceptant la contrainte » que la pression extĂ©rieure fait subir au cordes vocales, ce que R. Husson appelle lâimpĂ©dance ramenĂ©e [13] ». Cette impĂ©dance signifiant en Ă©lectricitĂ© rĂ©sistance qui joue un rĂŽle important dans la couverture du son chantĂ©, est donc essentielle pour la stabilitĂ© » et la protection » R. Husson, 1960 du larynx qui vibre ainsi quasiment dans une sensation dâapesanteur. Ainsi, tant quâune pression sous-glottique est maintenue, un mouvement cyclique dâoscillation des cordes vocales se produit. Le larynx devient alors gĂ©nĂ©rateur dâondes acoustiques, parcourant le conduit vocal et les diffĂ©rentes cavitĂ©s de rĂ©sonance, qui deviendront voix au sortir des lĂšvres. Câest ce que lâon appelle lâexcitation glottique du conduit vocal. 6Une voix chantĂ©e saine et en sĂ©curitĂ© est une voix qui repose sur une harmonisation phonatoire dĂ©licate, dans un ensemble musculaire tensionnel et conflictuel complexe. Câest Ă la condition dâun contrĂŽle diffĂ©rentiel plutĂŽt que dâune uniformisation de leur action commune, ainsi que dâune pondĂ©ration harmonieuse et souple de cette dynamique musculaire, que pourra naĂźtre le fameux vibrato qui sâentend comme une qualitĂ© de la voix, signe acoustique essentiel qui guide le chanteur. On le voit câest donc au prix dâun accordage dâune certaine conflictualitĂ© corporelle que lâon pourra alors entendre une voix bien posĂ©e, ce terme Ă©voquant une stabilitĂ© rassurante, pouvant porter ou projeter jâaurai lâoccasion dây revenir en harmonie. 7Comment alors ne pas penser aux rĂ©sonances intrapsychiques de cet accordage et de cette harmonisation ? Au traces et impressions sensorielles laissĂ©es par ces premiers Ă©changes qui, si originaires quâils soient, sont porteurs dâune quĂȘte dâharmonie spontanĂ©ment trouvĂ©e chez la mĂšre par lâexpĂ©rience qui se forme avec elle durant la communication avec son enfant » ? Ă cet appel Ă une voix complĂ©mentaire en vue dâun accord », dâune complĂ©mentaritĂ© », et de laquelle naĂźtra le sentiment de totalitĂ©, donc dâunitĂ© et le marquage dâune narrativitĂ© » pouvant ĂȘtre relancĂ© Ă lâinfini [14] » A. Green. 2005 ? Comment aussi ne pas envisager cette Harmonie, fille dans la lĂ©gende grecque dâArĂšs dieu de la guerre, et dâAphrodite dĂ©esse de lâamour nĂ©e des vagues de la mer, que Guy Rosolato envisage dans la musique comme le dĂ©ploiement dâ»une succession de tensions et de dĂ©tentes, dâunissons et de divergences des parties qui sâĂ©tagent, sâopposent dans les accords, pour ensuite se rĂ©soudre en leur plus simple unité⊠toute la dramatisation des corps sĂ©parĂ©s et de leur rĂ©union que supporte lâharmonie [15]. »G. Rosolato, 1978 ? 8La voix a largement inspirĂ© les psychanalystes. Et somme toute câest bien normal, tant le dispositif analytique est fondamentalement le cadre dâune rencontre singuliĂšre entre deux ĂȘtres parlants dans le rĂ©el de leurs corps; singularitĂ© reposant notamment sur cette prĂ©sence-absence » quâoffre la dissimulation de lâanalyste au regard de son patient, et qui renforce dâautant plus sa prĂ©sence en tant que corps parlant lorsquâil reçoit autant quâil donne de la voix. Mais de quelle voix parle-t-on ? Celle du patient sâadressant Ă son analyste ou quâil peut Ă certains moments sâentendre prononcer? Ou celle de lâanalyste, tranchant parfois son mythique silence censĂ© border deux paroles, deux voix [16] » F. Meyer, 2000? Celle entendue toute proche, jusquâaux impalpables frĂ©missements annonciateurs de la prise ou retenue de parole ? Ou celle, dans toute lâampleur de sa rĂ©sonance, perçue en retour, en Ă©cho, aprĂšs rĂ©flexion sur le cadre acoustique du petit cabinet ? 9Si pour S. Freud le Moi originaire est dâabord un Moi corps », la psychanalyse a eu pourtant tendance Ă avancer lâaspect dĂ©fensif de lâ»agir », au dĂ©triment de son aspect moteur intĂ©gratif [17]. Et si S. Freud sâest vu souvent reprocher une vision trop biologiste ce nâest pourtant pas le moindre de ses apports et mĂȘme peut-ĂȘtre le plus fondamental et le plus original que de ne pas envisager de sĂ©paration entre le corps et la psychĂ©, et de proposer une thĂ©orie de la pulsion [18]. Mais la notion de pulsion, en tant que concept limite de la psychanalyse au point dâarticulation Ă©nigmatique entre psychĂ© et soma se voit souvent encore remise en question et reste toujours aujourdâhui en discussion. Pourtant la psychanalyse est fondamentalement ancrĂ©e dans le langage, et, de fait, dans la phonation. La parole peut ainsi ĂȘtre envisagĂ©e comme un acte moteur, un geste phonatoire qui parle, et que de nombreux auteurs G. Rosolato, CastarĂšde, M. Mathieu, Y. Fonagy, M. Poizat⊠ont articulĂ© au fantasme, en lâinscrivant comme tel dans lâĂ©volution pulsionnelle [19]. En dâautres termes, la voix est beaucoup plus que la voix et nous fait interroger dâautres aspects qui lui sont liĂ©s la gymnastique de la bouche qui Ă©met, lâanimation du visage qui parle, lâĆil qui sâĂ©veille lors de tout dialogue [20]. »A. Green. 2005 10Ce qui frappe parfois Ă la lecture de ces nombreux essais mĂ©tapsychologiques sur le phĂ©nomĂšne vocal, câest bien souvent lâambiguĂŻtĂ© avec laquelle ils donnent Ă reprĂ©senter cet objet voix, entre les principales donnĂ©es issues du savoir scientifique, et certaines croyances quotidiennes implicites vĂ©hiculĂ©es dans les reprĂ©sentations profanes de la voix; croyances sĂ©duisantes qui infiltrent insidieusement lâinterprĂ©tation, faisant souvent vaciller une intuition premiĂšre du lien indĂ©fectible et primaire de la voix avec lâoriginaire, pour glisser imperceptiblement vers les strates plus secondarisĂ©es peut-ĂȘtre plus rassurantes et moins vertigineuses dâune voix soutien de la parole et du mot. En effet, de par le crĂ©dit intrapsychique gĂ©nĂ©ralement fait Ă lâappareil perceptif sensoriel, la voix, tant elle accompagne inconsciemment notre quotidien communicationnel, nous paraĂźt ĂȘtre Ă tous une Ă©vidence ». Forts de cette Ă©vidence nous pensons facilement que la voix sort », quâelle se projette », quâelle peut se perdre » voire se casser », quâelle monte » ou quâelle descend », etc. De lĂ Ă penser, par exemple, cette fameuse perte » ou cassure » de la voix en terme de castration Ćdipienne cela peut parfois mener Ă cĂ©der trop facilement au psychomorphisme dâune voix Ă laquelle nous pouvons ĂȘtre tentĂ©s dâattacher un nominalisme psychologique trop systĂ©matique, voire peut-ĂȘtre Ă contresens, et basculer imperceptiblement du cĂŽtĂ© dâune certaine mythologie de la voix, faute dâune lisibilitĂ© suffisante de certaines de ses donnĂ©es fonctionnelles. Ă cet Ă©gard il y a bien des choses Ă dire sur lâimagerie gĂ©nĂ©ralement vĂ©hiculĂ©e autour de la mue. LA MUE, UNE PERTE CASTRATION OU SĂPARATION ? 11Un trĂšs bel article de F. Marty sur ce sujet pourra peut-ĂȘtre Ă©clairer notre propos. En effet, si gĂ©nĂ©ralement la mue est interprĂ©tĂ©e en termes de perte » et de cassure » apportant la confirmation dĂ©finitive de lâimpossible fusion avec le corps maternel⊠signe indĂ©fectible de la castration [21] » F. Marty, 1996, il ne faudrait pas la confondre avec cette autre piste quâĂ©nonce F. Marty quelques lignes plus loin, que lâopĂ©ration hormonale Ă lâorigine de la mue chez le garçon de façon plus sensible fait quâil nâest plus cet ange, voix des dieux, il est un garçon en train de devenir⊠un homme par le bas de sa voix et de son sexe⊠Cette orientation de lâaxe du corps donne Ă lâenfant le sentiment de la honte dâavoir Ă porter ces breloques pendantes alors quâil y a peu il volait dans les airs [22]. »F. Marty, 1996 Le propos nâĂ©tant pas ici dâapprofondir cette question prĂ©cise, nous mettrons juste en perspective quelques remarques, en guise dâillustration de nos prĂ©occupations Ă©pistĂ©miques. En premier lieu, si lâon fait retour sur lâorigine Ă©tymologique du mot muer, on sâaperçoit que par sa racine grecque il se charge du sens de changer », se rĂ©pondre » amoibaios autant que dâ Ă©changer », et par la racine latine meare prend le sens dâ aller », de passer », avec certains Ă©largissements conduisant notamment Ă migrare â changer de rĂ©sidence » â, commeare â circuler », permeare â pĂ©nĂ©trer » â , dâoĂč permĂ©abilis â qui peut ĂȘtre traversĂ© » â. En second lieu, physiologiquement parlant, la mue nâest en aucun cas une perte vocale mais au contraire un enrichissement, dans la mesure oĂč si le changement bruyant opĂ©rĂ© par la mue du garçon participe, certes, du chaos pubertaire, le garçon et lâhomme quâil deviendra nâauront pas perdu cette belle voix de tĂȘte, ou mĂ©canisme dit lĂ©ger [23], puisquâelle pourra Ă tout moment ĂȘtre sollicitĂ©e Ă nouveau. Ă cet Ă©gard, il faut nuancer cet avis quâ»avec lâapparition de la mue, cette pĂ©riode [celle de lâindiffĂ©renciation vocale fille-garçon] va devenir paradis perdu [nâautorisant pas] de nouvelles capacitĂ©s, [lâenfant perdant] cette facultĂ© Ă rejoindre la voix de sa mĂšre [24]. » F. Marty, 1996 De mĂȘme il faut relativiser cette idĂ©e que la mue du garçon est le signe indĂ©fectible de la castration [25]. » F. Marty, 1996 Si lâon remonte Ă lâhistoire du bel canto baroque, la tradition des castrats italiens du 18e siĂšcle nous enseignerait plutĂŽt lâinverse, Ă savoir que la castration câest ce qui empĂȘche la mue elle-mĂȘme. Ajoutons Ă cela que comme le rappelle M. Poizat, le fait quâil sâagisse dâun corps dâhomme supportant une voix Ă©trangĂšre est secondaire [26]. » M. Poizat, 1998 En effet, les castrats se voyaient systĂ©matiquement confiĂ©s les grands rĂŽles dâopĂ©ra Ă©minemment virils CĂ©sar, Achille, XerxĂšsâŠ, la hiĂ©rarchie des valeurs vocales de lâĂ©poque â la voix de castrat sur la plus haute marche â supplantant toute occupation de rĂ©alisme dramatique, notamment sexuel [27]. » M. Poizat, 1998 Cela pose ici la question de la voix et de lâidentitaire. Car on peut aussi souvent lire que la voix soprano, haute », de tĂȘte », angĂ©lique », est la voix fĂ©minine » par excellence. Or avant la mue, garçon et fille chantant dans le mĂȘme registre vocal et dans les mĂȘmes bandes de frĂ©quence, sont qualifiĂ©s indistinctement de soprano. Ainsi, si, par une certaine lecture, lâon peut Ă juste titre envisager que la mue cĂšle lâentrĂ©e dans le travail du pubertaire tel que le dĂ©finit P. Gutton, de la castration, de la culpabilitĂ© et de la diffĂ©renciation identitaire sexuelle, il nâen faut pas pour autant omettre de donner toute sa place sa prĂ©valence peut-ĂȘtre mĂȘme Ă un autre registre interprĂ©tatif. Ă savoir quâavant dâĂȘtre la voix du fĂ©minin, le registre de soprano est originairement la voix de lâinfantile, du temps premier de ces expĂ©riences trĂšs archaĂŻques contemporaines de lâĂ©dification du sujet⊠de ce mĂ©canisme Ă©lĂ©mentaire, profondĂ©ment enracinĂ© dans notre ĂȘtre, insĂ©parable de notre chair [28] » M. de MâUzan, 1972, temps de la prĂ©dominance du narcissisme, de la honte et de lâĂ©dification du tonus identitaire de base » permettant au sujet de se vivre dans sa complĂ©tude et dans son unicitĂ© [29]. » M. de Mâuzan, 2005 Si le changement de registre, pour bruyant quâil soit lors de la mue, peut renvoyer Ă lâidĂ©e de la perte, ce nâest donc peut-ĂȘtre pas tant dans le registre de la perte castratrice que dans celui de la perte liĂ©e Ă la sĂ©paration originaire. Suivant ce fil interprĂ©tatif on pourrait alors entendre combien la mobilisation de la voix de tĂȘte chez lâhomme adulte [30] peut se charger de la rĂ©miniscence, de la reviviscence, de ces traces profondes et cachĂ©es issues des temps originaires rĂ©volus ayant trait aux modalitĂ©s archaĂŻques de lâidentitĂ©, câest-Ă -dire au destin du narcissisme et du deuil originaire. La perte de la voix dâange correspondrait alors bien Ă ce falto de Ă ngel chute de lâange que la langue espagnole nomme aussi si joliment desangelado » dĂ©signant le fait dâĂȘtre tristounet [31] ». 12Bien que plus discrĂšte et moins bruyante, la mue chez la fille mĂ©riterait une rĂ©flexion approfondie. Notons, simplement ici le phĂ©nomĂšne actuel dâhomogĂ©nĂ©isation des tessitures vocales entre filles et garçons, particuliĂšrement questionnant. Tout professionnel de la voix travaillant avec des adolescents sait combien est problĂ©matique cette mue culturelle » conduisant les chanteuses de variĂ©tĂ© et Ă fortiori leurs jeunes fans Ă nâutiliser presque quâexclusivement le registre de la voix de poitrine dans une bande de frĂ©quence commune Ă la voix masculine, en oubliant comme les jeunes hommes et souvent peut-ĂȘtre plus jusquâĂ la possibilitĂ© mĂȘme de lâutilisation du registre de tĂȘte pourtant physiologiquement le plus naturel pour elles au prix souvent de forçages vocaux et de dysphonies prĂ©occupantes. LA VOIX DE LâANIMIQUE13Sans une certaine prise en compte de la nature physiologique de la phonation, le risque est alors de traiter la voix non plus comme un objet scientifique pouvant avoir un sens, mais comme un mythe » tel que R. Barthes a pu le dĂ©finir [32]. Et la mythologie de la voix est tenace, notamment celle autour du don, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e, ou du hasard; les divi et divas aimant souvent Ă dire combien la dĂ©couverte de leur voix et la dĂ©termination, de leur carriĂšre ne relĂšvent dâaucune logique si ce nâest celle, irrationnelle et mystĂ©rieuse de lâheureuse alchimie du don et du hasard. Lâheureux hasard sâĂ©tant ainsi manifestĂ©, on pĂ©nĂštre alors dans un monde enchantĂ©. Une bonne fĂ©e a donnĂ© un coup de baguette magique et câest lâaventure de Cendrillon⊠Mais le chanteur sait que Cendrillon risque un jour de retrouver ses sabots [le maintenant], en permanence, sous la menace de perdre sa voix [33]. » J. Gourret, 1975 Ainsi, le chanteur peut-il se lever chaque matin en parlant de sa voix comme dâune autre personne quâest ce quâelle va encore me faire aujourdâhui ? . Câest que le champ de la croyance animiste est puissamment attachĂ© Ă lâobjet voix dans la reprĂ©sentation populaire comme chez les professionnels de la voix; animisme participant dâun certain Ă©sotĂ©risme encore largement prĂ©sent dans le discours commun autant que dans les cours de chant; animisme nous conduisant aux limites dĂ©licates de la dĂ©marche Ă©pistĂ©mologique avancĂ©e ici et que lâon pourrait, avec lâaide de P. FĂ©dida, rĂ©sumer ainsi dâun point de vue mĂ©tapsychologique il ne faut pas perdre de vue que toute biologie populaire, dĂ©rivĂ©e de lâanimisme, compte au regard des reprĂ©sentations mises en Ćuvre » par chacun, et que ce qui se dĂ©signe comme biologie populaire est indĂ©pendant de lâĂ©tat culturel dâun savoir scientifique [34]. » P. FĂ©dida, 2004 Mais dans le mĂȘme temps, et dans un souci mĂ©thodologique, il ne nous faut pas perdre de vue non plus que si câest en tirant les meilleures ressources des croyances animistes comme vĂ©ritables thĂ©ories du vivant, que Freud a su jeter les bases nouvelles dâune science mĂ©tapsychologique, câest Ă la condition dâune dĂ©santhropomorphisation de lâanimisme et de la restitution, Ă celui-ci, de son pouvoir thĂ©orique, que la mĂ©thode analogico-fantasmatique est valable [35]. » P. FĂ©dida, 2004. 14Nombreux sont les auteurs pour qui la moindre des suppositions quâimplique le corps âŠ. nâest que le reflet de son organisme [36] » J. Lacan. Mais si nous sommes prĂȘts Ă admettre que le biologique [se situe] avant lâhumain », ne faudrait-il pas reconnaĂźtre Ă©galement que le biologique envahissant, comme modĂšle, le psychisme humain est ce quâil faut dĂ©crire [37]. » J. Laplanche, 1987 ? Voici donc Ă quel niveau dâarticulation se situe le dĂ©fi Ă©pistĂ©mologique. Par le recours au rĂ©el » de la phonation, il devient dĂšs lors nĂ©cessaire de sâinstaller aux marges de pratiques et de thĂ©ories spĂ©cifiques, en restant sensible aux rĂ©sonances analogiques de telle terminologie ou de telle expĂ©rience sensorielle pouvant dâun point de vue mĂ©tapsychologique se rĂ©vĂ©ler tantĂŽt opĂ©rationnelle tantĂŽt mĂ©taphorique, sans pour autant croire Ă lâillusion de lâinterdisciplinaritĂ© et aux Ă©changes spĂ©cieux de champs disciplinaires restant hĂ©tĂ©rogĂšnes. Ăviter le piĂšge du psychocentrisme » dĂ©crit par S. FĂ©renczi dans Thalassa et faire le pari dâȎcouter et dâinterprĂ©ter avec des formes analogiques animales aussi Ă©loignĂ©es que possible des reprĂ©sentations conscientes du psychisme humain [38]. » P. FĂ©dida, tel est le tracĂ© dâune efficacitĂ© symbolique quâil faut pouvoir mettre en Ćuvre. 15Dans cette perspective, une proposition Ă©pistĂ©mique est intĂ©ressante. Comme nous le rappelle A. Green, alors que nous sommes habituĂ©s Ă commencer par poser les bonnes questions pour trouver les rĂ©ponses qui leur correspondent, lâexpĂ©rience psychanalytique nous oblige Ă procĂ©der autrement. Soit Ă devoir comprendre que nous avons dâabord affaire non Ă des Ă©nigmes mais Ă des rĂ©ponses avant toute question. Ces rĂ©ponses sont des solutions Ă des questions que nous ne sommes pas capables de concevoir et dont la formulation Ă©chappe Ă notre entendement [39]. » A. Green, 1985. Dans le sens de cette vision Ă©pistĂ©mique non pas de tuer chacune des disciplines, mais, au contraire, de les rendre nourriciĂšres [40] » E. Morin, 2002, quelles rĂ©ponses pourraient ainsi nous apporter un certain regard sur la physiologie de la phonation ? Pour amorcer une rĂ©ponse, il faut tenter un autre point de vue sur ces Ă©lĂ©ments-rĂ©ponses physiologiques, sans les ignorer, mais en sâappuyant dâune autre façon sur ce rĂ©el issu dâ»une science oĂč nous nâavons pu progresser quâen dĂ©coupant ce qui se prĂ©sentait globalement Ă notre prise, mais pour le retrouver entier Ă un moment ou Ă un autre au dĂ©tour du chemin [41]. » A. Green, 2005 Plus avant, une description phoniatrique classique des diffĂ©rentes Ă©tapes du fonctionnement » de la mĂ©canique vocale a Ă©tĂ© proposĂ©e. Mais ces Ă©tapes, ou systĂšmes, sont dĂ©pendants les uns des autres, si bien que se livrer Ă lâexamen de lâun dâentre eux pris isolĂ©ment interdit momentanĂ©ment toute autre considĂ©ration importante [42]. » R. Miller, 1986 Dans ce cas, pourquoi ne pas partir dâune mise en forme diffĂ©rente des ces Ă©lĂ©ments, sous-tendue par une rĂ©flexion non pas seulement sur les aspects fonctionnels de ces Ă©tapes successives, mais aussi sur certaines qualitĂ©s transversales Ă ces systĂšmes ? UN OBJET HYPERCOMPLEXE16La voix possĂšde certains des principes quâE. Morin associe Ă sa conception des systĂšmes complexes [43], et plus particuliĂšrement deux dâentres eux le principe dialogique et le principe de rĂ©cursion. Selon le principe dialogique les termes dâune relation complĂ©mentaire et antagoniste peuvent ĂȘtre rassemblĂ©s, permettant ainsi dâunir deux notions antagonistes, mais indissociables et indispensables pour comprendre une mĂȘme rĂ©alitĂ©. Câest une des caractĂ©ristiques de la mĂ©canique vocale que de fonctionner par mise en tension dâantagonismes musculaires principalement Ă lâorigine de sensations confuses voire paradoxales sur lesquelles je reviendrai plus loin. Le principe de rĂ©cursion, renvoie pour sa part Ă lâidĂ©e de rĂ©troaction feed-back, et plus encore de boucle gĂ©nĂ©ratrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mĂȘmes producteurs et causes de ce qui les produit. Ce principe est doublement en jeu dans la phonation. Dâune part dans le travail de lâaccordage pneumo-phonique prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©, mais aussi, et de façon tout aussi fondamentale, dans ce que lâon nomme le rĂ©tro-contrĂŽle auditif, ou feed-back, seul moyen dâauto-contrĂŽler sa phonation. Dans les conditions de communication ordinaire ce rĂ©tro-contrĂŽle semble avoir pour fonction essentielle dâassurer le contrĂŽle de la hauteur qui constitue lâintonation de la phrase, ce qui explique que les sujets atteints de surditĂ© totale aprĂšs acquisition du langage perdent trĂšs vite la maĂźtrise de leur intonation [44]. » N. Scotto Di Carlo, 1993 Il sâeffectue grĂące Ă deux vĂ©cus sensoriels diffĂ©rents les conductions solidiennes et aĂ©riennes, et lâensemble des sensibilitĂ©s internes phonatoires [45] N. Scotto Di Carlo. La voix solidienne est celle perçue par le moyen de la conduction osseuse interne. Par opposition, les voix aĂ©riennes sont celles dâune part du chemin court de lâonde sonore allant au plus proche de la bouche Ă lâoreille boucle audio-phonatoire courte, et dâautre part le chemin long du son faisant retour Ă lâoreille, par conduction aĂ©rienne, aprĂšs avoir rencontrĂ© le cadre environnant et subi lâinfluence de son degrĂ© de rĂ©flexion et de diffusion boucle audio-phonatoire longue. Les sensibilitĂ©s internes phonatoires quant Ă elles renvoient Ă lâensemble des impressions subjectives essentiellement de nature pallesthĂ©sique et kinesthĂ©sique que lâon peut ressentir de façon plus exacerbĂ©e en chantant, et Ă lâorigine de certaines illusions rĂ©sonantielles de poitrine et de tĂȘte. 17Ce dernier principe de rĂ©flexivitĂ© et de boucle est particuliĂšrement intĂ©ressant dâun point de vue psycho-dynamique. Dans le prolongement des travaux de F. Tustin, dâE. Bick et de D. Meltzer, G. Haag a particuliĂšrement travaillĂ© cette question Ă travers ce quâelle dĂ©crit comme lâexercice des boucles de retours ». Faisant le lien avec les diverses observations de mise en gestes ou images motrices arrondissement du bras, mouvements lancĂ©s [46] ⊠et sonores, comme ce qui vient traduire quelque chose des retrouvailles avec ce fond de rebondissement » inhĂ©rent aux va-et-vient relationnels entre le bĂ©bĂ© et sa mĂšre, entre le self en Ă©mergence et lâobjet [47] », G. Haag rappelle combien pour D. Meltzer, dans ce théùtre de la bouche,⊠sâexerce non seulement des jonctions mains-bouche mais les vocalisations quâil considĂšre comme un exercice fantasmatique⊠exercice sonore de ces boucles de retours [48]. » G. Haag, 2004 18Outre ces deux premiĂšres qualitĂ©s fondamentales, on peut en distinguer encore trois particuliĂšrement Ă©vocatrices. 19La voix de lâĂ©nigme et du paradoxal le paradigme de la projection vocale Si, par sa thĂ©orisation de la portĂ©e intrapsychique des s ignifiants Ă©nigmatiques, J. Laplanche nous a Ă©clairĂ© sur les enjeux de lâĂ©nigme comme ressort de la sĂ©duction originaire, il faut bien voir que, comme lâĂ©crit si justement CastarĂšde, la voix est Ă©nigme pour la pensĂ©e qui vient toujours trop tard pour la saisir et quâen outre elle menace⊠énigme pour le corps qui ne sait sâil la crĂ©e, la reçoit ou sâen dĂ©livre [49]. » CastarĂšde, 1987 20Le premier des paradoxes de la voix est quâelle a ceci de remarquable quâaucun des organes concernĂ©s dans sa description nâa pour fonction premiĂšre la phonation, et quâils sont tous prioritairement assujettis Ă une tĂąche biologiquement vitale. Le larynx, situĂ© au carrefour des voies aĂ©riennes et digestives, sert de sphincter aux voies respiratoires. Le conduit pharyngobucconasal, quant Ă lui est requis en premier lieu pour la mastication mais aussi pour la respiration. Et la soufflerie, Ă travers les Ă©changes gazeux quâelle permet, a pour fonction premiĂšre lâoxygĂ©nation du sang. Avec le phoniatre B. Amy de la BretĂšque, il paraĂźt ainsi aisĂ© de mesurer combien la voix de lâhomme chantant ou parlant rĂ©sulte dâabord de la maniĂšre dont elle prend place dans son intimitĂ©. Le corps vocal est souvent envisagĂ© comme le vĂ©hicule de la voix, lâobjet qui permet de la faire sortir au-devant de lui, dâen remplir lâespace extĂ©rieur, de toucher autrui. On le sollicite dans sa tonicitĂ©, son redressement, son expression⊠Il est trop rarement considĂ©rĂ© comme le rĂ©ceptacle primordial oĂč le souffle sâunit Ă la vibration intĂ©rieure », souffle directement liĂ© Ă la façon dont la vie est apprĂ©hendĂ©e [50]. » B. Amy de la BretĂšque, 1997 Tout chanteur ou pĂ©dagogue de la voix peut vivre au quotidien que maĂźtriser son souffle, en modifier le rythme pour produire des sons est un dĂ©fi vis-Ă -vis de lâasservissement du corps aux impĂ©ratifs biologiques », et combien la charge Ă©motionnelle dâune telle quĂȘte est forte [51] » B. Amy de la BretĂšque, 2000. Parmi les nombreuses sensations paradoxales que lâon peut Ă©prouver, plusieurs pourraient illustrer notre propos. Mais, outre le fait que lâefficacitĂ© inspiratoire soit passive par dĂ©pressurisation, que le corps se dilate alors quâil se vide de son air [52], ou encore lâidĂ©e bien connue des professeurs de chant du mouvement contraire [53], le paradoxe que tout effort pour pousser la voix au dehors, la projeter, est vain, mĂ©rite plus que tout autre un dĂ©veloppement. En Italie, un cĂ©lĂšbre adage nous dit que la voce non si spinge, si tira » la voix ne se pousse pas, elle se tire. Le terme de projection » trĂšs utilisĂ© en chant est pourtant des plus ambigus. En effet, en technique vocale, lâinjonction de projeter la voix tire son origine de la volontĂ© naturelle de vouloir sortir sa voix, quâelle porte, et de la faire entendre au plus grand nombre. Le problĂšme acoustique qui se pose au chanteur est que lâon ne peut envoyer le son ni dans un endroit ni dans un autre, que si la voix monte, ce nâest pas physiquement mais acoustiquement [54], de mĂȘme quâon ne peut projeter Ă droite ou Ă gauche la sonoritĂ© dâun violon [55]. » J. Tarneaud, 1940 On ne peut parler que dâĂ©mergence du son, de laquelle sâensuit un rayonnement [56] dans lâacoustique, qui vient se rĂ©flĂ©chir sur le cadre environnant. Le chanteur se trouve ainsi en permanence confrontĂ© Ă cette injonction, si Ă©nigmatique sur le plan sensoriel et reprĂ©sentationnel, dâimaginer placer le son au niveau du point de rĂ©sonance idĂ©al â soulevĂ© [en face de soi] â et de lâaspirer ensuite. » J. Bonnardot, 2004 [57] Les maĂźtres du bel canto italien, pour imager cela, parlent alors soit de bere » boire ou dâ»ingolare la voce » gober la voix. Ă partir dâune autre sensation, visant Ă un rĂ©sultat phonatoire identique, les mĂȘmes pĂ©dagogues parlent aussi de vomitare la voce» vomir la voix. 21Que peut nous enseigner cette description ? Peut-ĂȘtre cette mĂȘme paradoxalitĂ© que P. FĂ©dida associe aux polaritĂ©s spatiales de rĂ©fĂ©rence du jeu [58] » P. FĂ©dida, 1978, Ă savoir le haut et le bas, lâavant et lâarriĂšre, le proche et le lointain, le dedans et le dehors, quâil faut penser comme autant dâ»effectuations mĂ©taphoriques temporelles de lâespace⊠la forme gestalt dâun jeu [ne valant] que sous le rapport Ă lâacte gestuel⊠formant, dĂ©formant, transformant [59]. » P. FĂ©dida, 1978 Jeu qui appartient au registre prĂ©symbolique, Ă ce matĂ©riau inconnu qui fait les reprĂ©sentations-choses, Ă michemin des choses et des reprĂ©sentations [60] » Donnet, 1991, et par lequel les premiĂšres formes architecturales de la symbolisation » G. Haag pourront venir sâĂ©tayer sur ces prĂ©formes corporelles, dĂ©rivĂ©es des organes des sens, ayant valeur de reprĂ©sentation imaginaire des limites, des enveloppes du moi, et qui se seront externalisĂ©es dans le cadre instituĂ© [61]. » Donnet, 1991 La paradoxalitĂ© propre au geste vocal, et au terme de projection du son, dans ses liens premiers avec le vĂ©cu du jeu de la bobine [62], ne rĂ©sonnerait-elle pas alors avec celle du jetĂ© au loin [63] » en tant quâ»acte physique qui se signifie du pouvoir de sâĂ©noncer dans cette proposition phonĂ©matique le donnant Ă entendre comme jouer de jouir⊠lâorgasme du moi quâĂ©voque Winnicott [Ă©tant peut-ĂȘtre] justement tout Ă fait connotatif de cette amplitude physique de lâacte du son [64] » P. FĂ©dida, 1978? Si oui, le paradoxal se proposera alors non plus par sa face pathogĂšne, modalitĂ© de la dĂ©liaison et du clivage, mais comme un mode du lien liant du legato et symbole de lâunion impensable et ainsi acceptable de lâautreâŠÂ»; paradoxal au service dâun processus de maturation allant dans le sens de la continuitĂ© psychique, dans celui dâun adoucissement qui rend les ruptures plus acceptables⊠[sans bloquer] lâĂ©laboration harmonieuse des situations de rupture et de deuil [65] » R. Roussillon, 1991; paradoxal enfin qui, vu sous lâangle des mĂ©canismes premiersâŠ, nous conduit directement sur le terrain de la biologie â un terrain ou certes nous hĂ©sitons toujours Ă nous hasarder, quoique S. Freud nous ait clairement montrĂ© le chemin [66]. » M. De MâUzan,1977 22On le voit, la projection vocale nous fait rĂ©flĂ©chir Ă la question de la limite floue entre le dedans et le dehors, de mĂȘme que lâauto-contrĂŽle de la voix par les boucles audiophonatoires nous renvoyait prĂ©cĂ©demment Ă la problĂ©matique du proche et du lointain. Cette pulsation » R. Roussillon qui sâĂ©tablit entre lâintĂ©rieur et lâextĂ©rieur, forme lâessence mĂȘme du processus transitionnel et de lâespace potentiel tels que thĂ©orisĂ©s par Winnicott. Et, si lâon peut envisager que grĂące Ă la perception, la matiĂšre psychique prend forme, [que] grĂące Ă lâhallucination la matiĂšre perceptive prend vie, [et que] grĂące Ă la motricitĂ© elle deviendra transformable », on pourra alors aussi apprĂ©hender la projection vocale dans ses rĂ©sonances avec lâexpĂ©rience de cette externalisation originaire qui cherche au dehors lâobjet dans lequel la matiĂšre psychique va pouvoir prendre vie et forme, se dĂ©condenser et se dĂ©ployer ainsi, se transformer, se transfigurer, [et butant] sur lâaltĂ©ritĂ© de lâobjet ou de lâespace dans lequel elle se transfĂšre, se rĂ©intĂ©rioriser alors et se replier dans lâespace interne [67]. » R. Roussillon, 1999 23Enfin, la projection ne serait pas sans convoquer sur la scĂšne intrapsychique lâorigine mythique du jugement dâattribution⊠confiant au bon et au mauvais, Ă lâutile et au nuisible, la fonction de constituer le rapport dâun dedans et dâun dehors, dâun intĂ©rieur Ă un extĂ©rieur, [par lequel] il sâagit⊠dâintroduire ou dâexclure⊠de manger ou de vomir [68] » P. FĂ©dida, 1978 ingolare la voce ou vomitare la voce. Mais si tout cela paraĂźt trĂšs clair dans le mythe corporel qui assigne une origine Ă lâaffirmation et Ă la nĂ©gation [69] » P. FĂ©dida, 1978, il nâen faudra pas perdre de vue la distinction entre introjection et incorporation. En effet, le passage dĂ©cisif de lâincorporation Ă lâintrojection est une problĂ©matique que les professeurs de chant rencontrent souvent, et sur laquelle butent nombre dâapprentis chanteurs; apprentis chanteurs, quâavec M. Torok, lâon pourrait qualifier de cryptophores », tant sont prĂ©gnantes certaines traces laissĂ©es par certaines expĂ©riences originaires dâun vide de la bouche appelant en vain, pour se remplir, des paroles introjectives [70]. » M. Torok, 1987 Bere la voce renvoyant dĂšs lors Ă ce caveau secret » au cĆur duquel sâest nichĂ© le deuil indicible »; cette crypte » couvrant » la honte attachĂ©e Ă ce secret inavouable », introjecter redevient mettre en bouche, avaler, manger, incorporer; les mots de la bouche ne venant pas combler le vide du sujet⊠lâobjet honni Ă son tour sera fĂ©calisĂ©, transformĂ© en vrai excrĂ©ment [71]. » M. Torok, 1987. On pourra alors comprendre le dĂ©sarroi, et lâimpasse pĂ©dagogique dans laquelle les professeurs de chant se trouvent souvent. Car, cherchant la meilleure Ă©mergence possible de la gerbe harmonique idĂ©ale, de la meilleur sensation aperto-coperto ouvert-couvert, avec forces invocations dâimages et de sensations telles que sentir une cathĂ©drale en bouche, une grotteâŠ, le maĂźtre de chant convoque inĂ©vitablement la problĂ©matique si Ă©nigmatique en chant du dedans et du dehors; problĂ©matique qui renvoie lâapprenti chanteur Ă ce travail intrapsychique du passage de lâincorporation Ă lâintrojection sans quâil puisse Ă©viter cette Ă©tape commune Ă tous câest Ă chier, jâai une voix de merde ». 24Enfin, il est intĂ©ressant dâĂ©voquer succinctement les observations et rĂ©flexions menĂ©es par lâĂ©quipe de recherche de S. Breton [72] Ă propos des traditions rituelles et artistiques de certaines sociĂ©tĂ©s de la Nouvelle GuinĂ©e, rĂ©flexions qui apporteront un Ă©clairage supplĂ©mentaire sur cette topologie si Ă©nigmatique de la projection vocale. En effet, pour les populations du Golfe de Papouasie et Bassin du fleuve Sepik, de nombreuses manipulations rituelles et fabrications dâinstruments le Rhombe [73] notamment renvoient Ă autant de tentatives de maĂźtrise, dâharmonieux dosage, dâune donnĂ©e fondamentale pour ces cultures qui est que le corps humain est perçu comme masculin autant que fĂ©minin [74], et que concernant la question sociale de la hiĂ©rarchie entre ce masculin et ce fĂ©minin, la supĂ©rioritĂ© est donnĂ©e Ă lâenglobement ». Lâhomme est dâabord enveloppĂ© par le femme; il est un contenu. Il lui faut sâĂ©manciper. [Mais dans le mĂȘme temps] ĂȘtre capable de porter lâautre en soi est pour lui une servitude, une limitation stĂ©rile⊠une nĂ©gation du fondement mĂȘme de la cosmologie de ces sociĂ©tĂ©s⊠qui voit dans la reproduction des corps et des formes sociales une tĂąche absolue. Tout lâeffort⊠consiste donc⊠à rĂ©vĂ©ler, grĂące aux rites et par des moyens plastiques, ⊠quâĂȘtre contenant utĂ©rin est une capacitĂ© sociale Ă©minente de la masculinitĂ© [75]. » S. Breton, 2006 DiffĂ©rents systĂšmes visant Ă mettre en scĂšne la transformation du contenu en contenant, Ă mĂ©tamorphoser symboliquement le masculin en rĂ©ceptacle utĂ©rin », sont mis en Ćuvre selon les rĂ©gions. Ă titre dâexemple, dans la rĂ©gion du Bassin du fleuve Sepik lâidĂ©e topologique est que le corps masculin est constituĂ© de protubĂ©rances, de crochets et de tubes, comme sâil aspirait Ă percer son enveloppe, Ă refuser son confinement, mais en mĂȘme temps toute saillie phallique tend Ă ĂȘtre ravalĂ©e les crochets se referment les uns sur les autres et les tubes forment une boucle, de sorte que le corps semble soumis Ă deux forces contraires, centrifuge et centripĂšte. Cela revient Ă produire un contenu phallique douĂ© dâune capacitĂ© utĂ©rine [76]. » S. Breton, 2006 Ainsi trouve-t-on par exemple chez diverses population de la rĂ©gion du bas Sepik les Bun, les Angoran ou les Biwat, des statuettes reprĂ©sentant un corps masculin fonctionnant de façon androgyne en circuit fermĂ©, et chez lesquelles le pĂ©nis se transforme et se confond avec une trompe; lâorgane phallique, de pĂ©nĂ©trant, devient organe dâabsorption. Ce gommage de la distinction topologique, opĂ©rĂ© par ce raccordement de boucles tubulaires, entre ce qui sort et ce qui rentre, S. Breton le rapproche, pour ces cultures, de la cĂ©lĂšbre figure de Klein [77], dont la singuliĂšre et paradoxale topologie fait hĂ©siter sans relĂąche entre contenu et contenant, entre pĂ©nis et vagin, entre bouche et anus, entre homme et femme, tant lâhomme dans ces populations de Nouvelle GuinĂ©e, soucieux de son infĂ©conditĂ© autant que menacĂ© dans sa chair, sâil cherche Ă vomir la femme en lui, ne cesse pourtant jamais de vouloir secrĂštement lâimiter, de reprendre Ă son profit sa capacitĂ© Ă porter lâautre en soi [78]. » S. Breton, 2006 25Ces divers Ă©clairages sont particuliĂšrement intĂ©ressants quant Ă cette notion de projection qui peut ĂȘtre pensĂ©e comme paradigmatique des correspondances psychodynamiques Ă©mergeant lorsque lâon fait, comme S. Freud [79], le pari de rendre compte de modĂšles psychiques en regard de modĂšles physiques ou physiologiques. Et, Ă bien des Ă©gards lâon pourrait envisager que poussant plus loin lâidĂ©e de P. FĂ©dida, il nây a pas ici mĂ©taphore, Ă savoir crĂ©ation de sens, mais analogie, transfert direct dâun registre Ă lâautre⊠ce sont les mĂȘmes mots qui sont utilisĂ©s, les mĂȘme mĂ©canismes⊠invoquĂ©s. Comme si⊠le corps se muait en psychĂ© et la psychĂ© en corps [80]. » Pontalis, 1977 26 VOIX DE LâANALOGIQUE 27Ceci nous conduit tout naturellement Ă une deuxiĂšme qualitĂ© de la phonation son essence Ă©minemment analogique. En effet, dâun point de vu strictement physiologique, la complexitĂ© du fonctionnement phonatoire peut ĂȘtre dĂ©crite selon les trois propriĂ©tĂ©s inhĂ©rentes Ă lâexpĂ©rience sensorielle des Ă©changes analogiques tels que Stern les dĂ©crit Ă propos de la perception amodale » du nourrisson et des possibilitĂ©s intrapsychiques de transfert intermodal. » Stern, 1989 Sâappuyant, sur les nombreux travaux actuels tentant dâapprĂ©hender le vĂ©cu du nourrisson face aux incessantes expĂ©riences subjectives sensori-motrices, dâaffectivitĂ©, dâĂ©tats de conscience et dâĂ©tats internes de motivation auxquelles il est soumis, Stern envisage le monde expĂ©rientiel prĂ©coce du nourrisson comme unifiĂ© et globalisĂ©. Faisant fondamentalement lâexpĂ©rience dâune unitĂ© perceptive par laquelle il percevrait principalement les qualitĂ©s amodales provenant de nâimporte quelle forme de comportements humains expressifs, le nourrisson aurait cette prĂ©disposition premiĂšre Ă la combinaison dâexpĂ©riences issues de champs aussi bien sensoriels et moteurs, que perceptifs et affectifs. Mettant Ă part les affects catĂ©goriels traditionnellement envisagĂ©s colĂšre, joie, tristesseâŠ, Stern propose de distinguer spĂ©cifiquement un domaine dâaffectivitĂ© les affects de vitalitĂ© ». Cherchant Ă mettre en Ă©vidence le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de la qualitĂ©, de la tonalitĂ©, ressentie lors de tout changement, les affects de vitalitĂ© seraient ces caractĂšres dynamiques, cinĂ©tiques des Ă©motions, qui distinguent lâanimĂ© de lâinanimĂ©. Ils correspondent aux changements momentanĂ©s des Ă©tats Ă©motionnels dus aux processus organiques inhĂ©rents Ă la vie [81]. » Stern, 1985 DĂ©veloppant lâidĂ©e quâau-delĂ de lâexpĂ©rience du nourrisson, ces caractĂšres sont virtuellement prĂ©sents dans nâimporte lequel de nos comportements, Stern propose alors quâau sein de lâĂ©change interpersonnel un accordage » puisse naĂźtre au dĂ©tour dâun frayage transmodal », transsensoriel » impliquant la transmutation de trois propriĂ©tĂ©s propres Ă toute modalitĂ© de perception dâintensitĂ©, temporelle et de forme. Ceci correspond en tous points aux trois principaux paramĂštres intrinsĂšquement liĂ©s Ă la dĂ©finition physique et acoustique de la voix. LâintensitĂ© tout dâabord. Celle-ci se dĂ©crit classiquement pour la voix en rapport avec la mesure des dĂ©cibels Ă©mis. Mais, nous lâavons vu, cette notion dâintensitĂ© nâest pas sans renvoyer Ă la dimension tensionnelle, et conflictuelle, propre Ă la mĂ©canique phonatoire. DeuxiĂšme paramĂštre, la frĂ©quence. La hauteur si ambiguĂ« dâun son est le rĂ©sultat dâun nombre un rythme dâoscillation produite par un objet vibrant les branches dâun diapason, les cordes ou anches dâun instrument, les cordes vocales pendant une unitĂ© de temps donnĂ©e mesurĂ©e en Hertz. Si, comme le propose Stern, le niveau dâintensitĂ© et le rythme paraissent bien ĂȘtre les caractĂšres perceptifs que le nourrisson est le plus capable de reprĂ©senter dâune façon modale, et ce, dĂšs la pĂ©riode la plus prĂ©coce du dĂ©veloppement [82] » Stern, 1985, il faut bien voir que tout aussi fondamentalement le socle de la phonation rĂ©side dans lâharmonieuse interaction de ces deux paramĂštres dâintensitĂ© et de temps frĂ©quence; la hauteur dâun son Ă©tant, pour lâessentiel, dĂ©pendant du subtil amĂ©nagement des pressions sous et sus-glottiques et de la tension auxquelles les cordes vocales sont soumises. Enfin, dernier paramĂštre le timbre, qui rĂ©sulte de la transformation et du modelage du son laryngĂ© par les cavitĂ©s de rĂ©sonance [83] » G. Cornut, 1983, en somme dâune mise en forme. En effet, la belle mĂ©canique pneumo-phonatoire ne serait rien sans cavitĂ©s de rĂ©sonance Ă lâorigine de ce que lâon appelle lâaccord phonorĂ©sonantiel, se dĂ©veloppant dans lâespace sus-glottique. Cet Ă©tage correspond aux cavitĂ©s et reliefs situĂ©s au dessus des cordes vocales. Tout au long du conduit pharyngo-buccal lâonde acoustique Ă©mise au niveau de la glotte va se modifier et sâamplifier pour devenir le timbre. Cette amplification par les cavitĂ©s de rĂ©sonance supra-glottiques, dĂ©termine des zones de renforcement des harmoniques [84] zones appelĂ©es »formants ». Ce quâil est important de retenir ici câest que la dimension et la forme de ces cavitĂ©s de rĂ©sonance [85] influent tout particuliĂšrement sur la qualitĂ© du son Ă©mis, et par lĂ sur le spectre » de la voix reprĂ©sentĂ© par la richesse en harmoniques. 28Outre ce constat des propriĂ©tĂ©s communes au geste vocal et Ă lâaccordage tel que le dĂ©crit Stern, ces questions de lâanalogique, et par lĂ de la temporalitĂ©, de lâintensitĂ© et de la forme ne sont pas sans Ă©voquer nombre de rĂ©flexions plus mĂ©tapsychologiques. Sans les dĂ©velopper, et outre la question du temps renvoyant bien Ă©videmment Ă celle bien complexe de la temporalitĂ© psychique, comment ne pas Ă©voquer le succĂšs de cette rĂ©flexion proposĂ©e par A. Green Ă propos de lâaffect la nature profonde de lâaffect nâest-elle pas dâĂȘtre un Ă©vĂ©nement psychique liĂ© Ă un mouvement en attente dâune forme ? [86] » A. Green, 1985 Comment aussi ne pas penser aux travaux de J. Kestemberg autour des notions de flux de tension » et flux de forme » ? Comment encore ne pas sâassocier aux rĂ©flexions de P. FĂ©dida et R. Roussillon autour du concept dâ objeu », et de mĂ©dium mallĂ©able », pouvant se prĂȘterâŠ, par leur absence de forme, Ă une mise en forme non fixe et non fixĂ©e » au service du dĂ©ploiement aussi bien de ce qui a commencĂ© Ă prendre forme dans la relation Ă lâobjet, que de ce qui nâa pu se figurer et commencer Ă se reprĂ©senter dans ce rapport premier [87] » R. Roussillon, 1999? Comment enfin ne pas laisser rĂ©sonner ici, dans les multiples expĂ©riences de lâinforme telles quâont pu les dĂ©crire et les analyser M. de MâUzan, S. Le Poulichet [88] et P. Attigui [89] tout ce qui renvoie Ă la question des processus intrapsychiques sous-jacents Ă des vacillements identitaires », autant quâĂ la question de lâ Ă©trangetĂ© » ? VOIX DE LâINQUIĂTANTE ĂTRANGETĂ29Nous avons tous eu lâoccasion dâentendre notre voix enregistrĂ©e. Et gĂ©nĂ©ralement câest une expĂ©rience qui est loin de nous enthousiasmer ! Câest que cette Ă©coute nous place en face de la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure de notre voix telle que la perçoit notre entourage. Ă quel dĂ©plaisir, Ă quel sentiment dâĂ©trangetĂ© nâavons-nous pas Ă©tĂ© tous confrontĂ©s lors de cette Ă©coute toujours saisissante ? Cette Ă©preuve est le rĂ©sultat de la confusion auditive dans laquelle nous plonge le mĂ©lange des trois circuits audio-phonatoires prĂ©cĂ©demment dĂ©crits. En effet, entre lâaudition interne de la voix solidienne la plus privĂ©e et intime, et lâĂ©coute rĂ©troactive de la rĂ©verbĂ©ration acoustique la plus distante de soi, les dĂ©formations perceptives sont importantes. SpontanĂ©ment, lâĂ©coute se fait par la voix solidienne filtrant et privilĂ©giant les basses frĂ©quences. LâĂ©coute longue se fait Ă posteriori et demande lâeffort dâun autre filtrage volontaire pour se rendre disponible tant Ă lâĂ©cho de sa voix rĂ©flĂ©chie, quâĂ lâĂ©preuve du rĂ©el phonatoire. La perception intime que nous avons de notre voix, et par lĂ de notre identitĂ© vocale, nâest jamais celle que socialement nous donnons pourtant Ă entendre Ă notre insu. LâĂ©preuve du spectre harmonique rĂ©el est toujours difficile Ă surmonter, et ne va pas, au sein du spectre dâidentitĂ©, sans dĂ©stabiliser plus ou moins la place mouvante de cette zone dâindividuation flottante dont parle M. de MâUzan, et sans remettre en question les lieux et les quantitĂ©s oĂč sâinvestit la libido narcissique, Ă partir du Moi le plus Ă©troit jusquâĂ lâimage dâautrui dans sa pleine vĂ©ritĂ© [90]. » M. de MâUzan, 1994 Que ce soit par les exigences dâĂ©coute quâimpose lâauto-contrĂŽle vocal, ou les multiples occasions de travail critique Ă partir dâenregistrements, cette Ă©preuve dâaltĂ©ration transitoire du sentiment dâidentitĂ©, et bien connue des chanteurs. Le risque parfois est alors de sâabĂźmer un peu trop dans la contemplation de cette voix si vite personnifiĂ©e qui renvoie Ă la toute puissance de la pensĂ©e, Ă cette antique conception du monde de lâanimisme⊠caractĂ©risé⊠par la surestimation narcissique des processus psychiques propres⊠lâattribution de vertus magiques soigneusement hiĂ©rarchisĂ©es Ă des personnes et Ă des choses Ă©trangĂšres [91]. » S. Freud, 1919 On le voit, le travail phonatoire force plus ou moins Ă la rencontre dâune nouvelle voix qui, pour familiĂšre quâelle ait Ă©tĂ© jusque-lĂ , peut soudainement devenir ce double Ă©trange, dotĂ© de ce statut singulier qui appartient bien au sujet, comme rien dâautre ne le peut dâavantage, et en mĂȘme temps [qui] fait partie du monde extĂ©rieur, puisque le moi du sujet sây est dâune certaine maniĂšre objectivĂ© [92]. » M. de MâUzan, 1994 DĂ©stabilisant lâillusion rassurante procurĂ©e par ce familier vocal dâaujourdâhui, surgit alors un double vocal personnifiant dĂšs lors le retour de cet antiquement familier dâautrefois », ce chez-soi das Heimische », lâentrĂ©e de lâantique terre natale Heimat du petit homme, du lieu dans lequel chacun Ă sĂ©journĂ© une fois et dâabord [93]. » S. Freud, 1919, Ă©veillant en nous le sentiment de lâinquiĂ©tante Ă©trangetĂ©. PAR OĂ COMMENCE LA VOIX ? 30Nous venons de voir combien la voix, malgrĂ© la familiaritĂ© que nous entretenons avec elle, est un objet fondamentalement analogique, Ă lâorigine Ă©nigmatique et paradoxale, source dâambiguĂŻtĂ©, voire dâinquiĂ©tante Ă©trangetĂ©. Dans le prolongement des derniĂšres perspectives de P. FĂ©dida [94], on pourrait, en guise de conclusion, laisser ouverte cette question par oĂč commence la voix humaine ? Rappelant Ă quel point lâenfant nous apprend comment la sexualitĂ© se forme par dĂ©faut de lâobjet absent » P. FĂ©dida, prolongeant les rĂ©flexions de G. Bataille, propose dâenvisager que le corps humain a lâĂ©trange particularitĂ© de ne commencer nulle part⊠tandis que chacun des organes semble se concevoir sexuellement comme venant Ă la place dâun organe absent [95]. » P. FĂ©dida, 2000 S. Freud avait dĂ©jĂ reconnu cette notion dâȎquivalence », notamment Ă propos de lâutilisation de la bouche comme organe sexuel [96] » S. Freud, 1905. Dans cette perspective, la bouche, le processus phonatoire toute entier, seraient ainsi le vĂ©ritable espace nulle part du rĂȘve et lâorgane imparfait de la vision du sexuel [97]. » P. FĂ©dida, 2000 31Se rĂ©fĂ©rant au mouvement originaire oĂč lâĂ©tayage de la pulsion sur la fonction physiologique [98] opĂšre comme une subversion libidinale », C. Dejours Ă particuliĂšrement bien dĂ©crit comment pour se libĂ©rer dâune fonction physiologique, lâorgane est un intermĂ©diaire nĂ©cessaire⊠la subversion de la fonction par la pulsion passant par lâorgane [99]. » C. Dejours, 2001 De mĂȘme, entre appui les maĂźtres italiens du chant parlant dâappogio et prise de distance notamment par une certaine Ă©coute comme nous lâavons vu, la voix paraĂźt bien rappeler ces mĂȘmes temps appui-distance de lâĂ©tayage et son rapport originaire aux deux polaritĂ©s, Ăros et Thanatos, de la pulsion. Et si lâon songe plus particuliĂšrement Ă ces deux formes de la pulsion dâautoconservation que D. Cupa propose de distinguer comme pulsion de tendresse » et pulsion de cruautĂ© [100] » D. Cupa, 2007, nous pourrions alors peut-ĂȘtre entendre dâune autre oreille cette SĂ©rĂ©nade de P. Verlaine 32 Comme la voix dâun mort qui chanterait Du fond de sa fosse, MaĂźtresse, entends monter vers ton retrait Ma voix aigre et fausse, Puis je louerai beaucoup, comme il convient, Cette chair bĂ©nie Dont le parfum opulent me revient Les nuits dâinsomnie. Ouvre ton Ăąme et ton oreille au son De ma mandoline Pour toi jâai fait, pour toi, cette chanson Cruelle et cĂąline. » SĂ©rĂ©nade in PoĂšmes Saturniens, P. Verlaine 33Reviviscence des temps primordiaux durant lesquels, dans lâĂ©change mĂšre-nourrisson, se sont construites ces zones de sensorialitĂ© [101] » D. Cupa, 2007 liĂ©es Ă la pulsion dâautoconservation, la sensation phonatoire ne nous conduirait-elle pas Ă la source de cette image entitĂ© unique et indissociable » mettant en scĂšne la dualitĂ© originaire zone sensorielle-objet [excitĂ© autant que] cause de lâexcitation [102] » P. Aulagnier, 1975? Zone-objet complĂ©mentaire » P. Aulagnier, 1975 nous conduisant sur les traces de ces sensations dont le dĂ©nominateur commun paraĂźt ĂȘtre le plaisir esthĂ©sique [103] associĂ© Ă un premier affect dâexistence, un affect dâĂȘtre, qui se transforme en plaisir dâĂȘtre-avec [104]. » D. Cupa, 2007 34Si lâon envisage alors lâhypothĂšse quâil y a un acte de parole, Ă repĂ©rer au niveau des qualitĂ©s motrices dĂ©bit, tessiture, articulation », et que si la voix vĂ©hicule la geste fantasmatique, câest quâelle incarne le geste du corps oĂč sâinscrit la pulsion [105] » M. Mathieu, 1989, ne pourrait-on pas envisager lâimpact intrapsychique de la sensorialitĂ© de lâorgane vocal lors du geste phonatoire, comme pouvant traduire une part de la problĂ©matique subjective et identitaire de lâindividu, et constituer simultanĂ©ment une voie dâaccĂšs Ă certaines qualitĂ©s de symbolisation de la conflictualitĂ© intrapsychique, voire dâune irreprĂ©sentabilitĂ© premiĂšre ? 35Il sâagirait alors, en reconnaissant Ă la manifestation somatique vocale ses liens avec lâactivitĂ© symbolique, de repĂ©rer les indices dâune rĂ©gression formelle. Lâagir vocal, se situant ainsi dans lâarchaĂŻque de cette rĂ©gression, serait alors Ă envisager dans le rĂ©el dâun acte phonatoire prototypique [106] » de lâintrapsychique, et par lĂ dans ses variantes extralinguistiques actes, infra-linguistiques mimiques, postures et phonĂ©tiques modes de dĂ©ploiement de la voix [107] » M. Mathieu, 1989, comme une somatisation symbolisante » C. Dejours. Les formes, les rythmes, les perceptions ou expressions infraverbales, bref, tout ce qui aurait pu Ă©chapper au travail de la langue et Ă la chanson des corps dans la relation primitive [108] » Baranes, 2002 sâactualisant pour attirer des expĂ©riences psychiques originales et susciter de nouvelles perspectives de symbolisation. 36En somme, le vĂ©cu phonatoire ne serait-il pas lâoccasion dâune expĂ©rience limite, Ă la frontiĂšre du psychique et du somatique, qui opĂ©rerait potentiellement une liaison entre les Ă©lĂ©ments du percept, les formes de la reprĂ©sentation et les traces de la mĂ©moire, pour les inscrire dans une histoire et confĂ©rer une signifiance Ă la psychĂ© », et ainsi donner corps Ă la matiĂšre psychique, la transformer et la sublimer par lâexternalisation crĂ©atrice du fait-Ćuvre [109] » B. Chouvier, 2004? Ne serions-nous pas dans lâexpĂ©rience du sensible phonatoire au cĆur mĂȘme dâun corps figurĂ© » et figuratif », inĂ©vitablement soumis Ă cette force dâattraction exercĂ©e par lâoriginaire » dont parle P. Aulagnier ? Corps dans lequel se serait enracinĂ© le rĂ©cit des origines, et qui, au lieu corporel du geste vocal idĂ©al, attirerait la tentative de penser ce monde Ă©trangement familier dont on ne peut rien dire mais qui cherche Ă sâexprimer ? Notes [1] Ross D., Choi J. and Purves D. 2007, Musical intervals in speech, in Proc. of the Nature Academy of Science of the [2] Voire paragraphe voix de lâanalogique » [3] Leroi-Gourhan A. 1964, Le geste et la parole, tome 2, Paris, Albin Michel, p. 212 [4] Ibid., tome 1, p. 298 [5] Trevarthen C., Gratier M. 2005, Voix et musicalitĂ© nature, Ă©motion, relations et culture, in CastarĂšde Konopczynski et all., Au commencement Ă©tait la voix, Ramonville Saint-Agne, Ăres, p. 105 [6] Ă savoir les variations du ton de la voix des hauteurs couplĂ©e Ă la rythmicitĂ© du dĂ©bit et lâaccentuation de la parole. [7] FĂ©dida P. 2004, Quelques remarques sur psychanalyses et biologie, fĂ©conditĂ© de lâhĂ©tĂ©rogĂšne, in Lâanalogie, Bulletin de Psychologie, tome
paroles,clips,photo s:sopranoâ„ anis98-soprano6kif. Description : â â oĂč le groupe s'offre Ă la fois le sample et la chanteuse du groupe espagnol Mecano, des textes plus personnels, "Comme Une Bouteille A La Mer", solo poignant de Soprano oĂč le rappeur revient sur sa relation avec sa mĂšre. Ils auront amenĂ© la rĂ©vĂ©lation de Soprano, rappeur trĂšs prolifique > Que vous Ă©coutez le plus en ce moment: comme une bouteille a la mer ~> Qui vous fait rĂ©flĂ©chir sur la vie : comme une bouteille a la mer ~> Qui en dis le plus sur vous: i just cant stop loving you ~> Qui vous rappelle celle (celui) que vous aimez : mon aaaaamour oublie que je l'aime ~> Que vous auriez aimer Ă©crire : ne me quitte pas de brel| ŐĐžŐŽáÎŽÎ”Ń Î» | ĐĄŃŐžÖ Î”ŐŹ ááœÏŐŃ | ĐÏазĐČÏ á¶Đ”ж л՚ŃŃ ŃŃŃаáĐ” |
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jla voulais pour la vie, j'ne l'ai eu que pour un flirt, J'me sens, comme une bouteille Ă la mer, noyĂ© dans les vagues de la mĂ©lancolie d'la vie Comme une bouteille Ă la mer, j'me sens (ad Jme sens, comme une bouteille Ă la mer, j'vais oĂč l'flot de la vie m'mĂšne, loin de tout, mĂȘme de ma mĂšre. La vie m'a offert la solitude de Robinson, J'voudrais repeindre ma vie, mais je n'trouve .