Edward M. Harris, Democracy and the Rule of Law in Classical Athens, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, XXXII-486 p. 1Le recueil de certains de ses propres articles publiĂ© ici par Edward M. Harris sâavĂ©rera certainement dâune grande utilitĂ© pour quiconque aura Ă traiter de lâhistoire sociale ou judiciaire dâAthĂšnes Ă lâĂ©poque classique. AprĂšs, notamment, un sommaire p. VII-VIII et une commode prĂ©sentation du travail par lâA. lui-mĂȘme p. XVII-XXXII, ce sont en tout 21 Ă©tudes qui sont regroupĂ©es en 4 rubriques. 2La premiĂšre rubrique est intitulĂ©e Loi et histoire constitutionnelle ». On y trouve des Ă©tudes telles que Solon et lâesprit de la loi en GrĂšce archaĂŻque et classique » p. 3-28 ; cf. J. Blok et A. Lardinois eds, Solon of Athens New Historical and Philological Approaches, Leyde, 2006, p. 290-320, LâĂ©loge de la dĂ©mocratie athĂ©nienne par PĂ©riclĂšs » p. 29-39 ; cf. Harvard Studies in Classical Philology, 94, 1992, p. 57-67, Antigone le LĂ©gislateur, ou les ambiguĂŻtĂ©s du Nomos » p. 41-80 ; cf. E. M. Harris et L. Rubinstein eds, The Law and the Courts in Ancient Greece, Londres, 2004, p. 19-56, Selon quelle frĂ©quence lâAssemblĂ©e athĂ©nienne se rĂ©unissait-elle ? » p. 81-101 ; Classical Quarterly, 36, 1986, p. 363-377, Quand lâAssemblĂ©e athĂ©nienne se rĂ©unissait-elle ? Quelques donnĂ©es nouvelles » p. 103-120 ; cf. American Journal of Philology, 112, 1991, p. 329-345, DĂ©mosthĂšne et le fonds du thĂ©orique » p. 121-139 ; cf. R. Wallace et E. M. Harris eds, Transitions to Empire Essays in Greco-Roman History, 360-146 BC in Honor of E. Badian, Norman-Londres, 1996, p. 57-76. 3La deuxiĂšme section porte sur Loi et Ă©conomie ». Y sont rassemblĂ©s des articles tels que Loi et Ă©conomie dans lâAthĂšnes classique [DĂ©mosthĂšne], Contre Dionysodore » p. 143-162 ; cet article avait Ă©tĂ© originellement publiĂ© sur un site informatique, Quand une vente nâest-elle pas une vente ? RĂ©examen de lâĂ©nigme de la terminologie athĂ©nienne sur la garantie rĂ©elle » p. 163-206 ; cf. Classical Quarterly, 38, 1988, p. 351-381, ApotimĂšma la terminologie athĂ©nienne sur la garantie rĂ©elle dans les accords de baux et de dot » p. 207-239 ; cf. Classical Quarterly, 43, 1993, p. 73-95, La responsabilitĂ© des partenaires commerciaux dans la loi athĂ©nienne la dispute entre Lycon et MĂ©gacleidĂšs [DĂ©mosthĂšne], 52, 20-1 » p. 241-247 ; cf. Classical Quarterly, 39, 1989, p. 339-343, Solon a-t-il aboli la servitude pour dette ? » p. 249-269 ; cf. Classical Quarterly, 52, 2002, p. 415-430, Notes sur une lettre de plomb provenant de lâagora dâAthĂšnes » p. 271-279, paru depuis dans Harvard Studies in Classical Philology, 102, 2004, p. 157-170. 4La troisiĂšme division concerne La loi et la famille ». On y trouve des publications intitulĂ©es Les AthĂ©niens considĂ©raient-ils la sĂ©duction comme un crime pire que le viol ? » p. 283-295 ; cf. Classical Quarterly, 40, 1990, p. 370-377, Le viol existait-il dans lâAthĂšnes classique ? RĂ©flexions complĂ©mentaires sur les lois concernant la violence sexuelle » p. 297-332 ; cf. DikĂš, 7, 2004, p. 41-83, Les femmes et le prĂȘt dans la sociĂ©tĂ© athĂ©nienne rĂ©examen dâun horos » p. 333-346 ; cf. Phoenix, 4, 1992, p. 309-321, Notes sur un horos provenant de lâagora dâAthĂšnes » travail en collaboration avec Kenneth Tuite, p. 347-354 ; cf. Zeitschrift fĂŒr Papyrologie und Epigraphik, 131, 2000, p. 101-105, La date du discours dâApollodore contre TimothĂ©e et ses implications pour lâhistoire athĂ©nienne et la procĂ©dure lĂ©gale » p. 355-364 ; cf. American Journal of Philology, 109, 1988, p. 44-52, Une note sur lâadoption et lâenregistrement dans le dĂšme » p. 365-370 ; cf. Tyche, 11, 1996, p. 123-127. 5La quatriĂšme partie aborde des Aspects de procĂ©dure ». On y voit des travaux variĂ©s âEn flagrant dĂ©litâ ou âayant sur soi les preuves de sa culpabilitĂ©â ? ApagogĂš aux Onze et furtum manifestum » p. 373-390 ; cf. G. ThĂŒr Ă©d., Symposion 1993 VortrĂ€ge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar- Vienne, 1994, p. 129-146, Comment tuer en grec attique les valeurs sĂ©mantiques du verbe 3ÏÎżÎșΔBΜΔÎčΜ et leurs implications pour la loi athĂ©nienne sur lâhomicide » p. 391-404 ; cf. E. Cantarella et G. ThĂŒr Ă©d., Symposion, 1997 VortrĂ€ge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar-Vienne, 2001, p. 75-88, La sanction pour poursuite injustifiĂ©e dans la loi athĂ©nienne » p. 405-422 ; cf. DikĂš, 2, 1999, p. 123-142. 6Le recueil sâachĂšve, sous lâintitulĂ© dâun envoi », par la reprise dâune note, Le lĂ©gislateur Phidippide une note sur Les NuĂ©es dâAristophane » p. 425-430 ; cf. Zeitschrift fĂŒr Papyrologie und Epigraphik, 140, 2002, p. 3-5. 7Sous le titre de RĂ©flexions ultĂ©rieures » Afterthoughts » , les diffĂ©rents articles font souvent lâobjet de complĂ©ments bibliographiques, qui contribuent Ă accroĂźtre la valeur du volume indĂ©pendamment de quelques modifications de fond, ainsi dans lâarticle Ă©crit avec K. Tuite. 8Ă la fin, une bibliographie des travaux citĂ©s p. 431-450 ; une liste des travaux de lâauteur figure p. 438-440 est suivie dâun index locorum p. 451-476 et dâun index gĂ©nĂ©ral des sujets abordĂ©s noms propres et mots clĂ©s, p. 477-486. 9De façon gĂ©nĂ©rale, lâauteur a voulu examiner des dispositions lĂ©gales athĂ©niennes dans leur cadre politique, social et Ă©conomique. 10La premiĂšre rubrique met lâaccent sur la rĂ©gulation de la vie politique par la loi, et en particulier la prĂ©vention de la tyrannie ; y sont notamment soulignĂ©s la pleine compatibilitĂ©, aux yeux des AthĂ©niens, entre la dĂ©mocratie et le rĂšgne de la loi, le fait aussi que malgrĂ© M. H. Hansen lâexpression ekklesia synkletos devait bien dĂ©signer une rĂ©union exceptionnelle de lâassemblĂ©e en cas dâurgence, ou encore la possibilitĂ© de souligner la complĂ©mentaritĂ© et non lâopposition des politiques de DĂ©mosthĂšne et dâEubule Ă propos de lâusage des fonds du thĂ©orique. 11La deuxiĂšme section explique comment les AthĂ©niens mirent en place une lĂ©gislation permettant le dĂ©veloppement du crĂ©dit et, en consĂ©quence, le dĂ©veloppement dâune certaine Ă©conomie de marchĂ©. Lâauteur entend montrer que Solon a interdit lâasservissement pour dette mais pas la servitude temporaire dâun dĂ©biteur devant rembourser ses dettes par son travail ; considĂ©rant le texte portĂ© par une plaque de plomb du IVe siĂšcle trouvĂ©e Ă lâagora dâAthĂšnes, lâauteur estime quâelle atteste la misĂ©rable condition qui Ă©tait alors celle des esclaves. 12La troisiĂšme division sâinterroge sur lâaction des femmes dans la sociĂ©tĂ© athĂ©nienne, la façon dont la violence Ă lâĂ©gard des femmes Ă©tait considĂ©rĂ©e il est soulignĂ© que la sanction est fondĂ©e sur la nature de lâintention qui meut lâagresseur masculin et non sur la violence subie par la femme et aussi la maniĂšre dont les femmes pouvaient agir en matiĂšre Ă©conomique en sâappuyant sur un consentement masculin. ConsidĂ©rant le discours dâApollodore, alias le Pseudo-DĂ©mosthĂšne, Contre TimothĂ©e, lâA. estime quâil nâa pas Ă©tĂ© prononcĂ© en 362-361, mais avant 366-365, alors mĂȘme que PasiclĂšs, le frĂšre dâApollodore, que lâon voit intervenir comme tĂ©moin, nâavait pas 18 ans. 13Dans la quatriĂšme partie, il est relevĂ© que le verbe apokteinein tuer » est utilisĂ©, en prose attique, pour dĂ©signer Ă la fois la prĂ©paration dâun assassinat et lâacte mĂȘme de meurtre ; en consĂ©quence, les actes perpĂ©trĂ©s par le comploteur dâun assassinat et par un meurtrier relevaient de la mĂȘme procĂ©dure. Une autre procĂ©dure la dikĂš bouleuseĂŽs sâappliquait Ă ceux qui avaient fomentĂ© un assassinat sans que celui-ci eĂ»t Ă©tĂ© effectuĂ©. Par ailleurs, lâA. met en question le point de vue selon lequel le systĂšme de lois athĂ©nien nâaurait pas visĂ© Ă produire une norme positive mais plutĂŽt Ă permettre aux citoyens â et en particulier aux plus aisĂ©s dâentre eux â de poursuivre leurs vengeances privĂ©es ; les plaignants auraient pu renoncer aux poursuites entreprises par eux, pourvu que le TrĂ©sor public ne fĂ»t pas privĂ© du revenu dâune amende. 14Quant Ă lâ envoi », il souligne que la parodie de la terminologie lĂ©gislative effectuĂ©e par Aristophane doit montrer que leurs lois constituaient pleinement un bien commun des AthĂ©niens en opposition, par exemple, Ă une apprĂ©ciation de M. H. Hansen estimant, dans La dĂ©mocratie athĂ©nienne Ă lâĂ©poque de DĂ©mosthĂšne, Paris, 1993, p. 229, quâ il devait ĂȘtre excessivement difficile pour lâAthĂ©nien moyen de se retrouver dans [le] maquis [des] procĂ©dures ». 15Un autre livre, complĂ©mentaire de celui-ci, est annoncĂ© p. IX il portera sur la maniĂšre dont les AthĂ©niens interprĂ©taient et appliquaient la loi dans leurs cours judiciaires ce livre sera en principe intitulĂ© The Rule of Law in Action The Nature of Litigation in Classical Athens. Le diptyque ainsi constituĂ© ne pourra que constituer un prĂ©cieux instrument de rĂ©fĂ©rence, et une base de bien des dĂ©bats. 16Nicolas RICHER. Christopher J. Smith, The Roman Clan. The gens from Ancient Ideology to Modern Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 393 p. 17Ce livre est une enquĂȘte fouillĂ©e sur le concept de gens. La 1re partie p. 12-165 fait le point des interprĂ©tations modernes du mot ; la seconde est une tentative de dĂ©finition, anthropologique dans son approche, de la gens p. 169-346. Lâouvrage contient deux appendices lâun concerne les rapports entre curie romaine et religion dâaprĂšs le tĂ©moignage de Denys dâHalicarnasse ; lâautre, des curies disparues. La bibliographie de 21 pages 363-383 contient 559 rĂ©fĂ©rences, la plupart en anglais, de plus de 350 auteurs diffĂ©rents. On relĂšve trois indices gĂ©nĂ©ral, des noms antiques et des sources littĂ©raires discutĂ©es. On peut considĂ©rer que le livre est, dans son entier, une historiographie Ă deux niveaux une historiographie moderne puis une historiographie des sources antiques elles-mĂȘmes. 18La difficultĂ© majeure de lâentreprise vient de lâabsence de dĂ©finition englobante de la gens les sources littĂ©raires ne dĂ©finissent pas le mot mais donnent des exemples de gentes particuliĂšres et dĂ©crivent leurs singularitĂ©s extraordinaires ou fascinantes quâelles mettent en relation avec des sacra. Jamais cependant il nâest possible de relier des familles aux dieux, Ă la mythologie ou aux origines de Rome de maniĂšre convaincante et assurĂ©e. Les sources antiques ne permettent pas de relier gĂ©nĂ©riquement la gens Ă lâorganisation originelle des cadres civiques de lâĂtat romain. Elles ne dĂ©crivent pas la gens comme une entitĂ© politique mais il est clair que les gentes participaient Ă la vie politique. LâenquĂȘte passe donc par les lieux dâexpression du terme gens, ceux oĂč elle intervient lâarmĂ©e et la terre, donc la relation de clientĂšle, parce que la terre donne le pouvoir, hiĂ©rarchise socialement les hommes, et que la possession de terres ou dâhommes donne le pouvoir de lever des troupes ; la religion. Ce faisant, Ă partir de lâĂ©poque rĂ©publicaine, ce sont les questions de dynastie » dans la dĂ©tention des sacerdoces et des magistratures qui apparaissent et doivent ĂȘtre analysĂ©es. DâoĂč aussi une enquĂȘte qui essaie de dĂ©crypter lâun des sujets majeurs de lâhistoriographie antique â Ă savoir, la question de la lutte entre patriciens et plĂ©bĂ©iens. Chez CicĂ©ron, le terme est rarement utilisĂ© en relation avec les plĂ©bĂ©iens ; Ă lire Tite-Live, la notion de gens ne pouvait pas ĂȘtre appliquĂ©e aux plĂ©bĂ©iens. Mais cela signifie-t-il autre chose que le fait quâĂ son Ă©poque, consciemment ou non, le terme nâĂ©tait guĂšre en usage que pour les patriciens ? Cela signifie-t-il autre chose que lâidĂ©e et la reprĂ©sentation que se faisaient dâeux les patriciens Ă la fin de la RĂ©publique, pĂ©riode au cours de laquelle on sait quâil y eut une tendance Ă la construction ou Ă la reconstruction de gĂ©nĂ©alogies ? 19La premiĂšre partie du livre passe en revue les interprĂ©tations modernes depuis la Renaissance de Carlo Sigonio, au milieu du XVIe siĂšcle, aux historiens du XXe siĂšcle â comme Arangio-Ruiz et Bonfante en passant par Vico, Niebuhr, Mommsen, Morgan, ce dernier dâune grande importance par son approche comparatiste et philologique, et M. Radin. Progressivement une ouverture ethnographique et anthropologique est apparue qui a permis dâenvisager les sociĂ©tĂ©s antiques plus largement, en particulier dans le rapport entre famille et gens. Cette mise au point effectuĂ©e, C. J. Smith sâattache, dans la deuxiĂšme partie, non pas Ă dĂ©finir la gens â ce qui, au terme de la lecture de lâouvrage, se rĂ©vĂšle impossible â mais Ă tenter dâapprocher institutions, organes, circonstances â politiques, sociales, Ă©conomiques, militaires â qui pourraient mettre en Ă©vidence lâidĂ©e de gens, ou rĂ©vĂ©ler son existence. Car, dans les textes, le mot est associĂ© Ă dâautres termes et rĂ©alitĂ©s clients, plĂ©bĂ©iens, curies, quirites, patriciens et patriciat, armĂ©e. Il confronte dâabord les sources et leurs interprĂ©tations Ă lâarchĂ©ologie et aux structures onomastiques. LâarchĂ©ologie nâa pas entiĂšrement permis de retrouver la gens elle montre plutĂŽt le dĂ©veloppement rapide de centres urbains quâune structure sociale qui dĂ©pendrait dâun groupe identifiĂ© et organisĂ©. Finalement, la gens est une notion loin dâĂȘtre Ă©vidente, contrairement Ă ce que les sources antiques pourraient laisser croire ; de lâAntiquitĂ© Ă nos jours, elle a pris une place de plus en plus grande alors que les sources littĂ©raires antiques sont problĂ©matiques parce que la plupart sont de beaucoup postĂ©rieures aux temps quâelles prĂ©tendent expliquer ; la rĂ©fĂ©rence au genos attique nâest pas prouvĂ©e et lâon ne peut pas Ă©tablir de comparaison lĂ©gitime et directe entre les deux concepts. Qualifier la sociĂ©tĂ© italienne de gentilice », câest tirer une conclusion dangereuse en donnant plus de sens au mot quâil nâen a. Au terme de cette sĂ©rie dâobservations indirectes, C. J. Smith en vient Explaining the gens » Ă la gens et montre que, pour comprendre ce quâelle est, il faut en passer par la comprĂ©hension de lâhistoire du patriciat et non rĂ©flĂ©chir en termes dâinstitution statique. Un arriĂšre-plan institutionnel avec, au cours du temps, un affrontement entre une Ă©lite et ses opposants a sans doute rendu nos explications trop simplistes. Nous sommes tributaires notamment de Tite-Live qui a tentĂ© de croire et de faire croire que les patriciens Ă©taient organisĂ©s en gentes et que la relation entre les patriciens et les auspices nâĂ©tait pas morte Ă la fin de la RĂ©publique. Or il est probable que lâhistoire primitive du patriciat nâest pas celle dâun ordre aristocratique. Avant la RĂ©publique, câest-Ă -dire avant que nâapparaisse la liste des magistrats de Rome, les patriciens sont invisibles ou silencieux dans les sources en tant quâacteurs politiques. Ensuite, ils deviennent le groupe dâintĂ©rĂȘt le plus puissant. 20La gens, en tant quâinstitution, nâa probablement jamais existĂ©. Elle dut ĂȘtre un principe dâorganisation sociale, une aspiration, en particulier pour les anciens lignages plĂ©bĂ©iens. Le sujet du livre est dâune grande complexitĂ©. La quantitĂ© accumulĂ©e des indices minutieux en fait la densitĂ©, mais le cheminement sinueux fait parfois oublier les buts de la dĂ©monstration. Ă force de dĂ©tails et exposĂ©s des thĂšses des chercheurs modernes dans la premiĂšre partie, on en finit par ne plus voir lâobjectif et quâil ne sâagit que dâanalyses et dâinterprĂ©tations autres que celles de Smith. La gens disparaĂźt mĂȘme parfois. Dans la deuxiĂšme partie, pendant des pages, il nâest plus question que du patriciat en tant que groupe. Dans lâindex gĂ©nĂ©ral, il est rĂ©vĂ©lateur que tout ce qui tourne autour du mot gens ne renvoie quâĂ 10 % des pages du livre, contre 20 % pour le patriciat, avec trĂšs peu de contacts entre les deux sĂ©ries dâoccurrences. Bref, sâil est riche, sa lecture en est ardue et des lecteurs qui nâont pas une bonne maĂźtrise des sources de la pĂ©riode et de son historiographie sây perdront. Mais ce nâest pas une raison pour ne pas sây plonger. 21Nicolas MATHIEU. GĂ©rard Minaud, La comptabilitĂ© Ă Rome. Essai dâhistoire Ă©conomique sur la pensĂ©e comptable commerciale et privĂ©e dans le monde romain antique, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005, 383 p. 22Cet ouvrage est issu dâune thĂšse de doctorat soutenue par lâA. en 2002. Il est prĂ©facĂ© par A. Tchernia. Son objet est de reconstituer les mĂ©thodes de la comptabilitĂ© romaine. Il sâagit de dresser lâinventaire des outils comptables des Romains, en dĂ©signant ceux quâils possĂ©daient et ceux dont ils Ă©taient dĂ©pourvus, volontairement ou non » p. 24. En Ă©tudiant quel usage les Romains font des moyens Ă leur disposition, lâauteur espĂšre approcher ce quâil appelle leur rationalitĂ© ». Il sâagit donc de partir des pratiques pour tenter une histoire des mentalitĂ©s Ă©conomiques. Lâargumentation, si elle peut paraĂźtre parfois complexe, est originale et stimulante. Elle est servie par une prĂ©sentation claire, proposant systĂ©matiquement textes latins et traductions. 23Lâouvrage sâouvre sur le constat du manque de sources. Aucun livre de comptes nâest parvenu jusquâĂ nous, ni aucun traitĂ© de comptabilitĂ©. Les archĂ©ologues ont bien mis au jour quelques ensembles de tablettes ou papyri, mais ces textes sont bien allusifs. Ă cĂŽtĂ© des tĂ©moignages souvent faussement prĂ©cis dâun CicĂ©ron ou dâun Pline le Jeune, seul subsiste le vocabulaire ces mots, dispersĂ©s dans les textes littĂ©raires de toutes Ă©poques et de toutes natures, utilisĂ©s par les Romains lorsquâils parlent de la gestion de leur patrimoine. Mais les traducteurs peinent Ă trouver leur sens prĂ©cis. Or, tant que ces termes techniques ne sont pas compris, les pratiques quâils recouvrent ne peuvent lâĂȘtre. 24Pour briser ce cercle vicieux, G. Minaud propose une dĂ©marche comparative tenter de comprendre la comptabilitĂ© romaine Ă la lumiĂšre du systĂšme utilisĂ© de nos jours. LâA. tire profit dâune histoire personnelle originale issu dâune Ă©cole de commerce, il a Ă©tĂ© chef dâentreprise avant dâentreprendre des Ă©tudes dâhistoire. Il est donc tout qualifiĂ© pour expĂ©rimenter une dĂ©marche dont la recherche actuelle souligne de plus en plus lâintĂ©rĂȘt lâĂ©tude des sources anciennes Ă lâaide dâoutils importĂ©s dâautres disciplines. Le danger dâune telle mĂ©thode pourrait ĂȘtre de plaquer sur les tĂ©moignages antiques des concepts artificiellement empruntĂ©s Ă la comptabilitĂ© moderne. Le grand intĂ©rĂȘt de lâouvrage est que lâauteur, loin de tomber dans ce travers, ne cesse de revenir Ă lâĂ©tude des sources antiques, quâil cite et analyse abondamment. Sa connaissance de la comptabilitĂ© moderne est donc rĂ©ellement mise au service de lâĂ©tude historique. Elle permet de proposer de nouvelles interprĂ©tations de certains textes, mais aussi de rĂ©viser ou prĂ©ciser les traductions de nombreux termes latins. 25Lâouvrage se divise en deux parties la premiĂšre tente de dĂ©terminer quels sont les outils comptables dont disposent les Romains ; la seconde, quels usages ils en font. 26La premiĂšre partie regroupe 4 chapitres. Le premier propose une initiation aux principes de comptabilitĂ©. Le lecteur peu familier de cette discipline pourra trouver lâexercice austĂšre, mais ses efforts sont indispensables pour comprendre la suite du raisonnement. Les chapitres suivants dĂ©crivent les outils comptables des Romains. Le paterfamilias tenait un compte au nom de chacun de ses correspondants, ce que lâon appelle aujourdâhui compte de tiers chap. 2. CentralisĂ©s et juridiquement reconnus chap. 3, ces comptes appliquent le principe de lâĂ©quilibre mĂ©canique un dĂ©bit pour un crĂ©dit, premier pas vers la comptabilitĂ© en partie double. Le vocabulaire est prĂ©cis, les connaissances arithmĂ©tiques Ă©galement, la numĂ©rotation en chiffres romains ne constituant nullement un handicap Ă la tenue de comptes efficaces chap. 4. Lâauteur conclut que les Romains disposaient dâinstruments dĂ©passant les simples besoins dâune gestion domestique. Ils manipulaient diffĂ©rents documents comptables dont chacun remplissait une fonction bien prĂ©cise les aduersaria enregistraient les opĂ©rations courantes, centralisĂ©es ensuite dans le codex accepti et expensi. 27La deuxiĂšme partie sâattache Ă dĂ©terminer quel usage les Romains faisaient de ce systĂšme complexe et prĂ©cis. Il leur permettait dâapprĂ©cier les flux financiers chap. 5, ou lâaccroissement dâun patrimoine entre deux pĂ©riodes de rĂ©fĂ©rence chap. 6. Il servait Ă©galement Ă maĂźtriser et contrĂŽler les comptes chap. 7, mais rarement comme outil de prise de dĂ©cision Ă©conomique chap. 8. Le nĆud de lâargumentation est que cet usage limitĂ© de la comptabilitĂ© romaine est intimement liĂ© Ă la structure mĂȘme de lâĂ©conomie, marquĂ©e par lâesclavage. La valeur dâun esclave est trop fluctuante pour faire lâobjet dâun traitement comptable sa fuite ou son dĂ©cĂšs rĂ©duisent de maniĂšre imprĂ©visible le patrimoine de son propriĂ©taire, quâil peut, Ă lâinverse, augmenter, en se reproduisant ou en transmettant son savoir-faire. Les variations de valeur de cet outil de production si particulier sont impossibles Ă prĂ©voir et formaliser dans des calculs dâamortissement Ă©valuant la dĂ©prĂ©ciation dâun patrimoine. Or cette notion dâamortissement est centrale dans la comptabilitĂ© moderne, notamment pour le calcul du coĂ»t de revient, du profit, et les dĂ©cisions dâinvestissement. Câest donc lâimportance de lâesclavage qui explique lâusage spĂ©cifique que font les Romains de leur comptabilitĂ©, rĂ©duite Ă un rĂŽle de mĂ©morisation et de contrĂŽle, mais rarement utilisĂ©e pour prendre des dĂ©cisions Ă©conomiques quel que soit son degrĂ© de prĂ©cision, elle ne peut servir Ă Ă©valuer la rentabilitĂ© dâun domaine dont le personnel servile est irrĂ©ductible Ă une prise en compte purement comptable. 28La comparaison avec les pratiques modernes trouve ainsi sa limite, non dans un caractĂšre primitif » de la comptabilitĂ© romaine, mais dans le fait quâelle est, comme toute activitĂ© Ă©conomique, trĂšs dĂ©pendante de la sociĂ©tĂ© dans laquelle elle sâinscrit. Ce raisonnement devrait sĂ©duire tant les historiens soucieux dâĂ©clairer les mentalitĂ©s Ă©conomiques antiques que les gestionnaires curieux de mise en perspective historique de leurs mĂ©thodes. 29Laetitia GRASLIN-THOMĂ©. Ezio Buchi dir., Storia del Trentino, II. LâEtĂ romana, Bologne, Il Mulino, 2000, 645 p. avec illustrations. 30Ce gros ouvrage, publiĂ© sous la direction dâE. Buchi, professeur dâhistoire romaine Ă lâUniversitĂ© de VĂ©rone, correspond au deuxiĂšme volume de lâhistoire du Trentin qui en comptera six ; il regroupe plusieurs contributions importantes sinon fondamentales pour lâhistoire de cette rĂ©gion septentrionale de lâItalie. 31La premiĂšre contribution signĂ©e de Stefania Pesavento Mattioli est consacrĂ©e Ă lâĂ©tude du rĂ©seau routier intĂ©grĂ©, dans une vision plus globale de la circulation en Italie nord-orientale rĂ©gion X. Cette Ă©tude est complĂ©tĂ©e de cartes situant les stations citĂ©es dans les sources. 32La contribution suivante, que lâon doit Ă Ezio Buchi, est particuliĂšrement importante, centrĂ©e sur la colonisation de la Cisalpine jusquâĂ la dĂ©duction de la colonie de Tridentum. Reprenant toute lâhistoire de la conquĂȘte depuis la dĂ©duction en 268 avant notre Ăšre de la colonie latine dâAriminum dans le territoire des Gaulois SĂ©nons, lâauteur sâattache Ă retracer toute lâhistoire de la conquĂȘte romaine victoire contre les Gaulois BoĂŻens, dĂ©ductions coloniales dans la plaine du PĂŽ, construction de la via Flaminia, guerre contre Hannibal, dĂ©duction de la colonie latine dâAquilĂ©e en 181, lutte contre les Cimbres et les Teutons et leur dĂ©faite en 101, pour en arriver Ă lâoctroi du ius Latii aux communautĂ©s transpadanes, puis de la citoyennetĂ© romaine sous CĂ©sar. Il sâintĂ©resse ensuite au municipium de Tridentum et aux limites de son territoire. Il rappelle lâĂ©dit de Claude de 46 connu sous le nom de tabula Clesiana, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă certaine pratique illĂ©gale de militaires usurpant la citoyennetĂ© romaine, mais que Claude, afin dâĂ©viter tout trouble, rendit lĂ©gale par cet Ă©dit. Le passage au statut de colonie se situe entre 46 et 165-166, sans quâil soit possible de prĂ©ciser ; cependant, lâauteur pencherait pour une dĂ©cision de Marc AurĂšle. Enfin, un long discours est consacrĂ© Ă lâĂ©tude du culte impĂ©rial dont on relĂšve les premiĂšres traces dĂšs Auguste. 33La contribution dâAlfredo Buonopane est tout aussi importante, consacrĂ©e Ă la sociĂ©tĂ©, lâĂ©conomie et la religion. Si les sources Ă©pigraphiques sont peu abondantes concernant les magistrats, elles sont beaucoup plus nombreuses concernant les militaires ; les habitants du Trentin semblent avoir eu une propension certaine pour la carriĂšre militaire. Le chapitre consacrĂ© Ă lâĂ©conomie est particuliĂšrement intĂ©ressant et rĂ©vĂšle une trĂšs grande variĂ©tĂ© dâactivitĂ©s agriculture intensive dans les vallĂ©es, de subsistance en hauteur et pastoralisme, culture de la vigne, exploitation de la forĂȘt prĂ©sentant une grande diversitĂ© dâespĂšces selon lâaltitude, recours Ă la chasse et Ă la pĂȘche, Ă©levage diversifiĂ© ovins, porcins, bovins, chevaux, extraction et travail de la pierre, travail du bois, production textile, travail des mĂ©taux et du verre, production de cĂ©ramique, de matĂ©riaux de construction, dâamphores... De ce panorama, il ressort une trĂšs grande vitalitĂ© Ă©conomique se traduisant par des Ă©changes diversifiĂ©s avec lâAfrique, lâĂgĂ©e et le Proche-Orient. Dans toute la rĂ©gion, on observe un grand dynamisme Ă©conomique. Les connaissances sur la religion reposent sur les sources Ă©pigraphiques et les trouvailles archĂ©ologiques divinitĂ©s indigĂšnes romanisĂ©es ou assimilĂ©es, cultes salutaires, Ă©gyptiens et orientaux, cultes italiques et romains... ensemble dâune grande variĂ©tĂ©. 34Ă lâĂ©tude des trouvailles monĂ©taires, quâelles soient erratiques ou en dĂ©pĂŽts, sâest attachĂ© Giovanni Gorini. 35Gianni Ciurletti dresse un inventaire des trouvailles archĂ©ologiques de la ville de Trente en sâintĂ©ressant plus particuliĂšrement au schĂ©ma urbain enceinte, voirie, Ă©gouts, constructions publiques et privĂ©es, dĂ©couvertes extra-urbaines, avec notamment lâamphithéùtre et les cimetiĂšres. En complĂ©ment, Elisabetta Baggio Bernardoni prĂ©sente une Ă©tude de la porte Veronensis, lâunique porte de lâenceinte identifiĂ©e, Ă lâextrĂ©mitĂ© mĂ©ridionale du cardo maximus. 36Enrico Cavada sâest intĂ©ressĂ© au territoire, Ă son peuplement, aux habitats et aux nĂ©cropoles. La documentation archĂ©ologique est particuliĂšrement importante depuis le XIXe siĂšcle. LâA. divise son Ă©tude en secteurs gĂ©ographiques qui semblent tous avoir leurs caractĂ©ristiques propres. Ainsi, dans le Trentin mĂ©ridional, on relĂšve la prĂ©sence de praedia et de villas rustiques ; dans le secteur de lâAdige central, la prĂ©sence dâentreprises agraires ; dans les vallĂ©es internes, on retrouve des agglomĂ©rations de type vicus, pagus et des activitĂ©s liĂ©es Ă la forĂȘt et au pastoralisme ; le territoire du Trentin oriental et Feltre, tournĂ©s vers le bassin du Brenta, ne semblent pas avoir connu une occupation intensive et apparaissent plutĂŽt comme zone de passage. 37Gianfranco Paci centre son enquĂȘte sur le secteur sud-ouest du Trentin lâalto Garda e le Giudicarie » , davantage tournĂ© vers Brixia et la plaine padane ; il nous en donne une histoire politico-administrative et une analyse de la sociĂ©tĂ© et de lâĂ©conomie. 38Enfin, Iginio Rogger sâinterroge sur les dĂ©buts chrĂ©tiens de la rĂ©gion ; il insiste sur le retard de la christianisation de la rĂ©gion par rapport Ă lâespace mĂ©diterranĂ©en. Peu de sources Ă©crites sur les origines demeurent, si ce nâest une sĂ©rie de documents relatifs Ă lâĂ©vĂȘque Vigile de la fin du IVe siĂšcle, Ă qui fut dĂ©diĂ© un culte au VIe siĂšcle. 39Lâouvrage se termine sur une importante bibliographie et sur des indices de noms de personnes, de lieux, et de choses remarquables, que lâon doit Ă Anna Zamparini. 40Ce livre consacrĂ© Ă lâĂ©poque romaine du Trentin est remarquable par la qualitĂ© des articles rĂ©unis, qui constituent une somme des connaissances de cette rĂ©gion, si importante par son dynamisme Ă©conomique et pour les relations commerciales entre lâItalie et les rĂ©gions septentrionales. 41Christiane DELPLACE. Anouar Louca, Lâautre Ăgypte, de Bonaparte Ă Taha Hussein, Le Caire, IFAO, Cahier des Annales islamologiques, 26, 2006, 223 p., 14 ill., index. 42Cet ouvrage est un recueil de 15 articles I Ă XV, dont trois inĂ©dits, Ă©crits par le regrettĂ© Anouar Louca 1927-2003. Câest, en quelque sorte, un ultime hommage rendu Ă ce chercheur Ă©gyptien, ami de la France et dâexpĂ©rience internationale. Il avait Ă©tĂ© dĂ©jĂ honorĂ© de son vivant dans une publication de lâIFPO J. Dichy, H. HamzĂ© Ă©d., Le voyage et la langue. MĂ©langes en lâhonneur dâAnouar Louca et dâAndrĂ© Roman colloque de Lyon II, 28-29 mars 1997, 2004. Au fur et Ă mesure de la lecture, on perçoit une quĂȘte des liens subtils nouĂ©s entre culture française et culture Ă©gyptienne, depuis lâĂ©vĂ©nement fondateur de lâexpĂ©dition de Bonaparte dans la vallĂ©e du Nil. La construction de lâensemble suit la chronologie, armature des faits », tout en tissant finement la trame des Ă©changes. De plus, la parfaite maĂźtrise des deux langues et des deux cultures permet dâanalyser le dialogue dâune rive Ă lâautre et de mettre au jour la chaĂźne des interlocuteurs. En contrepoint des figures bien connues de Bonaparte, de Jomard, de Champollion, des saint-simoniens et de J. Berque, on dĂ©couvre des intermĂ©diaires culturels » moins connus ; ainsi, Moallem Yacoub 1745-1801, lâintendant copte du gĂ©nĂ©ral Desaix, est rĂ©habilitĂ© dâune accusation de collaboration avec la France par son projet dâindĂ©pendance de lâĂgypte II. DâEdmĂ©e François Jomard, jeune gĂ©ographe de lâExpĂ©dition, maĂźtre dâĆuvre infatigable de la Description de lâĂgypte, on connaĂźt moins les projets pĂ©dagogiques soumis Ă MĂ©hĂ©met Ali. Ainsi va naĂźtre lâĂcole Ă©gyptienne de Paris 1826-1835, boursiers musulmans et chrĂ©tiens dont la formation est Ă dominante scientifique et technique I ; on peut aussi lire sur la diversitĂ© de leurs origines lâarticle de Jomard, Les Ă©tudiants armĂ©niens dans la premiĂšre mission Ă©gyptienne Ă Paris envoyĂ©e par MĂ©hĂ©met Ali en 1826 », dans Nouveau Journal asiatique, 1828, II, p. 16-116. Ils sont accompagnĂ©s de leur guide spirituel, le remarquable imam Ă©clairĂ© Rifaca al-Tahtawi 1801-1873 dont les Ćuvres complĂštes ont Ă©tĂ© traduites par A. Louca et dont la figure est rĂ©currente dans plusieurs articles I, p. 9-15 ; IX ; X, p. 142-145 ; XV, p. 192-193 ; on signalera, en complĂ©ment, lâĂ©dition rĂ©cente du journal de lâimam, LâOr de Paris, traduite par notre auteur et publiĂ©e aux Ăditions Sindbad en 1988. Al-Tahtawi reste encore une des meilleures rĂ©fĂ©rences dâouverture au monde moderne et dâislam des LumiĂšres, si lâon en juge par des parutions rĂ©centes comme lâouvrage de Guy Sorman, Les enfants de Rifaa musulmans et modernes, Paris, Le Livre de poche, 2005. 43Ă cette glorieuse pĂ©piniĂšre de cadres pour lâĂgypte des KhĂ©dives, une autre sĂ©rie dâarticles oppose la malheureuse communautĂ© des rĂ©fugiĂ©s de Marseille IV, en particulier les mamelouks » V dont la silhouette pittoresque a inspirĂ© lâorientalisme romantique dans sa double tradition littĂ©raire, mais surtout picturale III. Exotisme meurtrier, VI. Clandestins du romantisme. Quelques figures peu connues dâhommes de lettres et surtout de linguistes le poĂšte Joseph Agoub, les interprĂštes Ellious Bocthor, Michel Sabbagh, le Suisse Jean Humbert nous introduisent dans lâunivers de Champollion VII-VIII, sous le signe du dĂ©chiffrement des hiĂ©roglyphes 1822. Une enquĂȘte dans les archives porte sur le mystĂ©rieux prĂȘtre copte dont le PĂšre de lâĂ©gyptologie suivait les offices Ă lâĂ©glise Saint-Roch et les conseils le nom est correctement restituĂ© comme Hanna Chiftigi, et non Cheftidchy H. Hartleben, 1906 ou Shephtichi A. Faure, 2004 ; une biographie lacunaire » p. 97-98 peut, ainsi, ĂȘtre proposĂ©e. 44Passant sur la rive Ă©gyptienne, le Pr Louca sâintĂ©resse aux saint-simoniens X dont le projet initial est de creuser lâisthme de Suez. Il nous prĂ©sente, ce qui est moins connu, leurs interlocuteurs Ă©gyptiens les ministres turcs Edhem Pacha et Mustafa Mukhtar Instruction publique ainsi que trois ingĂ©nieurs de lâĂcole Ă©gyptienne de Paris, Mahzar ministre des Travaux publics, Baghat et Bayyumi, animateur de lâĂcole polytechnique du Caire et ses disciples. Ă cĂŽtĂ© des rĂ©serves au sujet dâEnfantin, il est fait grand cas de lâexemplaire Charles Lambert ». Lâarticle suivant XI est consacrĂ© au fellah suisse », lâagronome socialisant John Ninet dont Louca a publiĂ© les Lettres dâĂgypte 1871-1882, CNRS, 1979, et qui est lâauteur du premier Manifeste du Parti national Ă©gyptien en novembre 1879. 45La deuxiĂšme grande figure de lâislam Ă©clairĂ©, au XXe siĂšcle, cette fois, est la grande figure de Taha Hussein dont lâextraordinaire carriĂšre et le portrait sont esquissĂ©s dans deux confĂ©rences sans notes Un enfant aveugle devient le guide dâune nation » XII et lâinclassable Taha Hussein » XIII, mais il manque peut-ĂȘtre une bibliographie de son Ćuvre en annexe. Suit un hommage au maĂźtre et ami, Jacques Berque XIV ; en Ă©cho, un autre savant, auteur du livre de rĂ©fĂ©rence sur lâExpĂ©dition dâĂgypte 1989, Henry Laurens, a dĂ©diĂ© son livre Orientales I. Autour de lâexpĂ©dition dâĂgypte, CNRS, 2004, Ă la mĂ©moire dâAnouar Louca, ce maĂźtre de plusieurs gĂ©nĂ©rations dâhistoriens de lâĂgypte au XIXe siĂšcle et le vĂ©ritable rĂ©novateur de lâhistoire de lâexpĂ©dition dâĂgypte et des relations entre la France et lâĂgypte ». Lâautre Ăgypte se termine en boucle sur une rĂ©flexion utile dâhistorien, face aux controverses qui ont suivi le bicentenaire de lâexpĂ©dition dâĂgypte, Repenser lâexpĂ©dition de Bonaparte » XV, oĂč il souligne que le binarisme colonisateur/colonisĂ© occulte, rĂ©trospectivement, la complexitĂ© du contexte » et le salut dâun autre chercheur, spĂ©cialisĂ© dans lâĂ©tude de cette pĂ©riode, Patrice Bret. LâexpĂ©dition militaire est, aussi, une exploration », source dâhorizons partagĂ©s. La vie et lâĆuvre dâAnouar Louca en sont une parfaite illustration. 46Marie-Christine BUDISCHOVSKY. Paul Freedman, Bourin Monique eds, Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion, Turnhout, Brepols, 449 p., coll. Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », 2005. 47Cet ouvrage constitue les actes du colloque sur le nouveau servage en Europe mĂ©diane qui sâest tenu en fĂ©vrier 2003 Ă Göttingen sous la direction des deux Ă©diteurs ainsi que celles de Ludolf Kuchenbuch et Pierre Monnet, avec lâappui du Max-Planck-Institut. Il sâagissait dâĂ©tendre Ă lâEurope centrale et septentrionale une analyse du phĂ©nomĂšne dans lâespace mĂ©diterranĂ©en qui avait Ă©tĂ© abordĂ©e Ă Rome en 1999. Les communications prĂ©sentĂ©es Ă cette occasion traitent de la question entre le XIIIe et le XVIe siĂšcle, mis Ă part un article de Michel Parisse qui pose la question de façon gĂ©nĂ©rale depuis le haut Moyen Ăge et une contribution de Heide Wunder qui pousse la problĂ©matique jusquâau XVIIIe siĂšcle Ă partir dâun exemple pris dans la Hesse. 48Lâouvrage commence par une longue introduction des deux Ă©diteurs qui font le point sur lâhistoriographie et se demandent sâil y a lieu dâintroduire un nouveau ou un second servage qui naĂźtrait sous la pression du pouvoir nobiliaire ou sous la contrainte de la crise des XIVe et XVe siĂšcles. Les A. sâattachent Ă une gageure, donner une tentative de dĂ©finition commune des traits du servage sans pour autant la diluer dans un cadre purement formel gĂ©ographique et chronologique, en mettant en avant lâexistence de serfs, hommes de corps ou dĂ©pendants dans la terminologie, qui renvoie Ă une double perception ; dâune part, lâexistence dâune catĂ©gorie pensĂ©e ou perçue par les seigneurs et sur laquelle ils exercent leurs droits ; dâautre part, la conscience, quâen ont les intĂ©ressĂ©s eux-mĂȘmes, des formes de la macule qui se traduit par des signes visibles comme la mainmorte ou le formariage qui ne sont pas vĂ©cus de gaietĂ© de cĆur. LâenquĂȘte dĂ©bouche ensuite sur une sĂ©rie dâĂ©tudes rĂ©gionales, avec des contributions sur la France 3 Vincent Corriol pour le Jura, Ghislain Brunel en Laonnois, Denise Angers en Normandie, sur lâespace germanophone 7 Julien Demade et Joseph Morsel pour la Franconie, Tom Scott aux confins sud-ouest du monde germanique, Kurt Andermann en Pays de Bade, Roger Sablonier en terre helvĂ©tique, Heide Wunder en Hesse, Werner Rösener en Allemagne mĂ©ridionale, Heinz Dopsch dans les Alpes autrichiennes, le Danemark 2 avec Michael H. Gelting pour le XIIIe siĂšcle et Jeppe BĂŒchert NetterstrĂžm pour les XVe-XVIe, avant de se conclure par un article sur la Hongrie J. M. Bak, un autre sur la Pologne Marian Dygo et un dernier sur lâAngleterre Christopher Dyer. Par contre, la complexitĂ© de la question, la dispersion gĂ©ographique et temporelle des contributions nâa pas permis de synthĂšse et lâouvrage nâoffre pas de conclusion, ce quâon peut regretter, car, sâil est Ă©videmment impossible de tirer toutes les consĂ©quences Ă chaud », lors des prestations orales, on peut espĂ©rer le faire Ă tĂȘte reposĂ©e pour lâĂ©dition ; seulement la multitude des champs dâobservation rendait ici lâexercice alĂ©atoire et explique la longue introduction problĂ©matique qui est dâautant plus prĂ©cieuse. 49Il est hors de question de rendre compte de la teneur des propos de chaque article dans un compte rendu qui doit ĂȘtre bref et câest dâailleurs inutile, tant il est vrai que transparaissent Ă travers les dĂ©monstrations des divers auteurs quelques thĂšmes rĂ©currents qui soulignent les lignes de force de toute rĂ©flexion actuelle sur la question du servage. Pour faire court, disons que trois domaines sont Ă privilĂ©gier. Dâabord, la question de lâorigine et de lâĂ©volution de ce servage, dont on peut faire un hĂ©ritage des Ă©poques antĂ©rieures ou, au contraire, une nouveautĂ© qualifiĂ©e de second servage ; ensuite, lâĂ©tude des formes infiniment variĂ©es de la dĂ©pendance qui sont loin de se laisser rĂ©duire Ă un modĂšle unique et se dĂ©finissent toujours par rapport Ă lâexigence seigneuriale ; enfin, la rĂ©action des populations soumises Ă ces contraintes, qui oscillent entre contestation sourde, tentatives dâĂ©chapper Ă la marque du mĂ©pris social par le rachat, et rejet violent comme Ă lâoccasion de la guerre des paysans qui a tant marquĂ© dans le monde germanique. 50Sur le premier point, les divers auteurs semblent plutĂŽt considĂ©rer que le servage a toujours existĂ©, mĂȘme si parfois la nature des documents a pu lâocculter, mais que la forme de cette servitude a pu fort bien Ă©voluer en un statut souvent moins contraignant que la servitude fĂ©odale ou domaniale qui sont elles aussi, et il est bon de sâen souvenir, des catĂ©gories formelles de lâhistorien plus que des cadres intangibles. La servitude connaĂźt des variations infinies avec des pulsations tantĂŽt vers une certaine forme de libertĂ© relative cas le plus gĂ©nĂ©ral, tantĂŽt vers une contrainte nouvelle par exemple dans la Pologne du XVe siĂšcle, et il est bien dĂ©licat de thĂ©oriser ce qui est par contre une coutume socio-Ă©conomique bien ancrĂ©e, celle dâun prĂ©lĂšvement sur un monde paysan par une Ă©lite seigneuriale qui se poursuit Ă lâĂ©poque moderne. 51En second lieu, ces articles attirent attention sur lâextraordinaire Ă©miettement des statuts qui est une constante de ce monde ; quâon soit Eigenleute, Leibeigene, homme de corps, servus, villein, bondsman, on est toujours soumis Ă des obligations, qui, si elles paraissent fixes a priori, peuvent toujours Ă©voluer dans des enjeux de pouvoirs, des conflits, des processus de nĂ©gociations plus ou moins feutrĂ©s ou carrĂ©ment violents. Mais, quelle que soit lâĂ©volution, le seigneur percepteur ne renonce pas facilement Ă sa quote-part, peut-ĂȘtre parce quâelle est rentable, encore quâune estimation tardive XVIIIe siĂšcle en Pays de Bade montre des rĂ©serves, mais aussi parce quâelle est un marqueur de la contrainte qui traduit la supĂ©rioritĂ© sociale de celui qui lâimpose. 52Dans un troisiĂšme temps, il faut aussi retrouver les manifestations usuelles de cette servitude qui sâappuie sur le trio acadĂ©mique du chevage, de la mainmorte et du formariage, mais se concentre de plus en plus souvent sur la perception dâune rente monĂ©taire, sauf en Pologne encore une fois, accordant plus dâintĂ©rĂȘt aux prĂ©lĂšvements exceptionnels sur les noces ou lâhĂ©ritage, occasions plus rĂ©munĂ©ratrices que la perception dâusage dâun cens rapidement recognitif pour peu que les monnaies varient. Ces contraintes sont aussi vĂ©cues de façon ambiguĂ« par ceux qui y sont soumis, apparemment plus vite et plus souvent dĂ©barrassĂ©s du chevage que des taxes dâhĂ©ritage ou des contraintes limitant les mariages extĂ©rieurs. Pour faire sauter ce qui est parfois ressenti comme un verrou, on connaĂźt des affranchissements collectifs, notamment dans le cas de serfs dĂ©pendant dâune ville, mais câest loin dâĂȘtre le cas dominant, car, Ă moins dây ĂȘtre poussĂ© par la nĂ©cessitĂ© Ă©conomique, le maĂźtre y est rarement favorable et prĂ©fĂšre la remise dâune libertĂ© individuelle et dâailleurs rarement plĂ©niĂšre, lâex-dĂ©pendant restant souvent enserrĂ© dans un rĂ©seau dâobligations envers son seigneur. 53Au total, cet ouvrage trĂšs riche souffre de lâimpossibilitĂ© dâune synthĂšse gĂ©nĂ©rale de la question dâautant moins Ă©vidente quâil englobe largement le dĂ©but des Temps modernes en Europe centrale, mais il est dâun apport prĂ©cieux pour la connaissance de la servitude ou du servage â les mots eux-mĂȘmes sont des piĂšges â, notamment dans lâespace de lâempire. Lâexistence du phĂ©nomĂšne est ainsi envisagĂ©e dans une longue pĂ©riode et le chercheur Ă lâaffĂ»t de prĂ©cisions plus ciblĂ©es trouvera son bonheur dans les contributions plus particuliĂšrement consacrĂ©es aux temps ou aux contrĂ©es oĂč il a choisi dâexercer sa sagacitĂ©. 54Olivier BRUAND. Massimo Vallerani, La giustizia pubblica medievale, Bologne, Il Mulino, coll. Ricerca », 2005, 304 p. 55Le livre que signe ici M. Vallerani reprĂ©sente le bilan dâune quinzaine dâannĂ©es de recherches consacrĂ©es Ă lâhistoire du droit et de la procĂ©dure, initiĂ©es par la publication de son ouvrage sur le fonctionnement de la justice Ă PĂ©rouse Il sistema giudiziario del comune di Perugia conflitti, reati e processi nella seconda metĂ del XIII secolo, PĂ©rouse, 1991. Dans cet essai composĂ© de six chapitres pour la plupart repris de prĂ©cĂ©dents articles, il propose une rĂ©flexion sur lâĂ©volution des systĂšmes judiciaires au sein du monde communal italien, sâattachant plus particuliĂšrement Ă la question complexe des rapports entre procĂ©dures accusatoire et inquisitoire. Pour le Moyen Ăge, cette Ă©volution fut marquĂ©e par des jalons importants le concile de Latran IV, le Tractatus de Maleficiis dâAlberto Gandino, les grands procĂšs politiques du dĂ©but du XIVe siĂšcle, comme ceux de Boniface VIII ou des Templiers. LâA. pose comme postulat que les modĂšles procĂ©duraux sont intimement liĂ©s aux diverses phases dâĂ©volution du pouvoir politique et il souligne Ă quel point les communes italiennes mĂ©diĂ©vales constituent en ce sens un cadre dâĂ©tude particuliĂšrement riche en matiĂšre de pratiques judiciaires. La documentation mobilisĂ©e pour cette enquĂȘte est vaste, constituĂ©e principalement de la production thĂ©orique des juristes mĂ©diĂ©vaux, des statuts communaux, des consilia et bien, entendu, des registres judiciaires des diffĂ©rents tribunaux. 56Dans un premier chapitre de synthĂšse inĂ©dit Procedura e giustizia nelle cittĂ italiane del basso medioevo, il met lâaccent sur un processus culturel majeur du XIIe siĂšcle la diffusion des ordines iudiciarii, câest-Ă -dire des manuels de procĂ©dure, dont la fonction est notamment dâĂ©tablir une dĂ©finition rigoureuse de lâorganisation du procĂšs. Tous ces ordines mettent en avant le fait que le procĂšs, le jugement sont lâexpression de la potestas publique ; Ă travers cette volontĂ© de maĂźtrise des instruments de pacification de la part des premiers gouvernements consulaires et podestataux, câest bien la pax qui est en jeu, câest-Ă -dire la constitution de la communautĂ© comme dĂ©limitation dâun espace pacifiĂ© ». AprĂšs avoir dressĂ© ce tableau Ă©volutif gĂ©nĂ©ral, faisant Ă©galement une grande place Ă lâĆuvre dâAlberto Gandino, lâA. poursuit par une rĂ©flexion sur la procĂ©dure Come pensano le procedure. I fatti e il processo. Partant dâune dĂ©finition du procĂšs comme systĂšme de connaissance des faits qui doivent ĂȘtre dĂ©finis et prouvĂ©s », il insiste sur la complexitĂ© de cette notion de fait, qui devient particuliĂšrement sensible Ă partir du XIIe siĂšcle et de la redĂ©couverte du droit romain. Il sâattache Ă montrer les diffĂ©rences entre lâorganisation triadique du systĂšme accusatoire accusateur, accusĂ© et juge, modĂšle dans lequel la reconstruction du fait Ă©choit aux parties, et le modĂšle inquisitoire qui suit une logique opposĂ©e, et dans lequel le juge peut recourir Ă tous les types de preuves quâil jugera utiles. Dans ce dernier modĂšle, la fama joue alors un rĂŽle moteur comme agent denunciante. Tout le chapitre sâattache donc Ă cerner ces diffĂ©rences de fond autour du dĂ©clenchement du procĂšs, de la reconstruction du fait, de lâĂ©tablissement de la preuve, et de lâĂ©mergence de la vĂ©ritĂ©. Une fois les bases thĂ©oriques et techniques posĂ©es, M. Vallerani analyse lâapplication de ces modĂšles procĂ©duraux Ă lâĂ©chelle de deux villes dont il a dĂ©pouillĂ© les registres judiciaires Bologne et PĂ©rouse. Il commence dans un troisiĂšme chapitre par lâĂ©tude du systĂšme accusatoire Ă Bologne Il sistema accusatorio in azione Bologna tra XIIIe XIV secolo, rĂ©alisant un examen dĂ©taillĂ© de son application par le tribunal du Podestat. Ses dĂ©pouillements prouvent la trĂšs grande diffusion du procĂšs accusatoire â environ 1 300-1 400 procĂšs par an dans les annĂ©es 1286-1291 et jusquâĂ 3 118 au cours de lâannĂ©e 1294, et montrent la trĂšs nette prĂ©pondĂ©rance de lâabsolution comme issue des procĂšs 83 % des issues en moyenne, devant les condamnations et exclusions. Il poursuit par lâĂ©tude de la valeur et de la fonction des actes de paix auprĂšs des tribunaux communaux Pace e processo nel sistema giudiziario. Lâesempio di Perugia, insistant sur lâimportance de la concordia dans la sociĂ©tĂ© communale et sur lâimpact des accords privĂ©s » sur la justice publique, et rejette ainsi lâidĂ©e trop longtemps vĂ©hiculĂ©e selon lui que lâacceptation de la paix soit le signe dâune faiblesse des systĂšmes judiciaires mĂ©diĂ©vaux. Dans le cinquiĂšme chapitre Come si costruisce lâinquisizione arbitrium » e potere a Perugia sont mis en avant les dĂ©veloppements, les adaptations et les dĂ©formations de la procĂ©dure ex officio Ă PĂ©rouse dans la seconde moitiĂ© du XIIIe siĂšcle la procĂ©dure inquisitoire sây construit en effet au grĂ© des conflits doctrinaux et des dĂ©cisions politiques. Enfin, dans une ultime partie Il processo inquisitorio nella lotta politica a Bologna fra Due e Trecento, il donne un autre exemple dâĂ©volution de la procĂ©dure inquisitoire et revient sur le cas de Bologne Ă une Ă©poque de fortes tensions politiques, le dĂ©but du XIVe siĂšcle, oĂč lâon observe une intervention trĂšs forte des organes de gouvernement sur le cours de la justice et une tendance de plus en plus marquĂ©e Ă rĂ©gir lâarbitrium du podestat ; autant de tensions qui eurent des consĂ©quences sur le dĂ©roulement mĂȘme des procĂšs. 57Lâouvrage de M. Vallerani, qui se concentre donc Ă la fois sur les cadres thĂ©oriques dâĂ©laboration de ces procĂ©dures et sur leur mise Ă lâĂ©preuve dans le contexte urbain italien, met en dĂ©finitive bien en lumiĂšre le fait que cette construction, loin dâĂȘtre linĂ©aire, est une opĂ©ration complexe, polyphonique, trĂšs tourmentĂ©e » ; et lâhistoire du passage de lâaccusatoire Ă lâinquisitoire, rappelle lâA., ne peut ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e que sur une pĂ©riode trĂšs longue, qui dĂ©passe largement le cadre du Moyen Ăge. 58Sylvain PARENT. Jean de Roquetaillade, Liber ostensor quod adesse festinant tempora, Ă©dition critique sous la direction dâAndrĂ© Vauchez, par ClĂ©mence ThĂ©venaz-Modestin et Christine Morerod-Fattebert, Rome, Ăcole française de Rome Sources et documents dâhistoire du Moyen Ăge », 8, 2005, XIII-1 041 p. 59Ă quoi servent les prophĂštes ? Le titre mĂȘme du grand livre du Franciscain Jean de Roquetaillade, le Liber ostensor quod adesse festinant tempora, rĂ©digĂ© en quelques mois dans une prison dâAvignon, entre le 20 mai et le 1er septembre 1356, semble fournir la rĂ©ponse. Le Livre rĂ©vĂ©lateur », câest celui qui dit ce qui est cachĂ©, ce qui doit ĂȘtre livrĂ© Ă lâinterprĂ©tation â celui qui annonce les temps futurs, et lâapproche de la fin des temps. Figure Ă©trange et singuliĂšre, Jean de Roquetaillade, pourtant, ne se considĂ©rait pas comme un prophĂšte, mais plutĂŽt comme un visionnaire, transportĂ© sur les rivages de Chine pour y rencontrer lâAntĂ©christ enfant, ou visitĂ© dans son cachot par la Vierge Marie. Ses contemporains, quâil inquiĂ©tait, le tenaient, quant Ă eux, plutĂŽt pour un fantasticus, un homme se prĂ©tendant certes inspirĂ© par Dieu, mais sans que la part de lâinspiration authentique et celle de lâimagination ne soient clairement Ă©tablies. LâitinĂ©raire biographique de Jean de Roquetaillade nâest guĂšre banal. AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© Ă Toulouse, il entre dans lâordre des frĂšres mineurs, en 1332, Ă Aurillac. Dans les annĂ©es 1340, ses visions, ses propos dĂ©nonçant les vices du clergĂ©, potentiellement subversifs, lui valent dâĂȘtre incarcĂ©rĂ©. Pendant une vingtaine dâannĂ©es, jusquâĂ sa mort ou presque â survenue entre 1365 et 1370, â il est transfĂ©rĂ© de prison en prison et connaĂźt, Ă ses propres dires, des conditions de dĂ©tention extrĂȘmement pĂ©nibles. Ă lâĂ©tĂ© 1349, Jean se trouve Ă Avignon, enfermĂ© dans la prison du Soudan. Suspect, il est lavĂ© de lâaccusation dâhĂ©rĂ©sie â il a toujours proclamĂ© son orthodoxie. Il reste nĂ©anmoins assignĂ© Ă rĂ©sidence Ă la curie pontificale. La rĂ©putation de ce prisonnier peu ordinaire est colportĂ©e Ă travers lâEurope, comme en tĂ©moignent les chroniqueurs nombreux sont ceux qui lui consacrent quelques mots, ou parfois tout un dĂ©veloppement ainsi Jean de Venette, Jean le Bel ou Froissart. RĂ©putation pour partie posthume cependant Jean de Roquetaillade passait pour avoir annoncĂ©, outre la dĂ©faite de Jean le Bon Ă Poitiers en 1356, lâouverture du Grand Schisme en 1378, punition dâune Ăglise corrompue annoncĂ©e par lâeffondrement du pont dâAvignon en 1345. Au fond de sa prison, Jean dispose de matĂ©riel dâĂ©criture, se fait prĂȘter des livres, reçoit des visites. Dans un contexte avignonnais marquĂ© par les intrigues et le jeu des factions, les cardinaux nâhĂ©sitent pas Ă le consulter â le Liber ostensor est dĂ©diĂ© au cardinal Ălie Talleyrand de PĂ©rigord, protecteur des Franciscains. Câest ainsi que lâon a pu dĂ©crire Jean de Roquetaillade en prophĂšte de cour », sous surveillance, mais en un lieu oĂč sâaffirmaient stratĂ©gies, clivages et conflits au plus haut niveau, et oĂč convergeaient les informations venues de toute la chrĂ©tientĂ©. Le paradoxe dâune privation de libertĂ© couplĂ©e Ă une connaissance du siĂšcle hors du commun trouve Ă sâexprimer dans une production Ă©crite abondante, rĂ©pĂ©titive, et pour partie disparue, au sein de laquelle le Liber ostensor apparaĂźt comme lâ un des derniers chefs-dâĆuvre de la prose latine mĂ©diĂ©vale », selon les mots dâAndrĂ© Vauchez. LâĂ©dition qui paraĂźt aujourdâhui sous la direction de ce dernier est le fruit dâun long travail associant une vingtaine de collaborateurs et sâinscrivant dans la filiation des recherches de Jeanne Bignami-Odier. Le texte lui-mĂȘme p. 105-855 est encadrĂ© par des notes et des commentaires abondants sur la vie et lâĆuvre de Jean de Roquetaillade, sur le Liber ostensor lui-mĂȘme, sur les sources prophĂ©tiques utilisĂ©es, ainsi que par une longue analyse p. 63-97 et un triple index autant de clefs dâentrĂ©e dans une Ćuvre complexe. De celle-ci, il nâexiste quâun seul manuscrit le ms. Rossiano 753 de la BibliothĂšque Apostolique Vaticane, provenant de la bibliothĂšque du cardinal Domenico Capranica p. 1458, et dĂ©couvert dans les annĂ©es 1920. Il se compose de 149 folios de papier, oĂč court une Ă©criture de la seconde moitiĂ© du XIVe siĂšcle probablement. La structure du Livre rĂ©vĂ©lateur » est labyrinthique, mais lâauteur nâen a pas perdu la maĂźtrise. Lâouvrage est constituĂ© de 12 traitĂ©s ou chapitres, de longueur variable la matiĂšre du onziĂšme traitĂ© occupe le tiers du volume total de lâĆuvre, et rĂ©partis en 2 livres lâun correspondant aux dix premiers traitĂ©s, lâautre aux onziĂšme et douziĂšme traitĂ©s. Le foisonnement des thĂšmes laisse apparaĂźtre quelques motifs caractĂ©ristiques les pĂ©chĂ©s et la crise de lâĂglise, lâĂ©loge de la pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique, les guerres et la ruine des pouvoirs princiers, la conversion des Juifs et la dĂ©faite des Sarrasins, lâavĂšnement de lâAntĂ©christ. La pensĂ©e de Jean de Roquetaillade est marquĂ©e par une conviction centrale lâĂglise et le monde doivent ĂȘtre sauvĂ©s par la venue dâun rĂ©parateur », issu du petit groupe des Franciscains restĂ©s fidĂšles Ă lâidĂ©al de pauvretĂ©, et dâun pape angĂ©lique ». Jean utilise et commente de nombreux textes prophĂ©tiques, et les cite parfois abondamment le Liber ostensor est un bon tĂ©moin de la circulation de la littĂ©rature prophĂ©tique, et prend valeur dâanthologie. Figurent ainsi parmi ces rĂ©fĂ©rences Joachim de Flore dont Jean cite cependant surtout des Ćuvres apocryphes, la Sibylle Tiburtine, ou encore Hildegarde de Bingen le dixiĂšme traitĂ© dans son entier est un commentaire des Ă©crits dâHildegarde, connus Ă travers la compilation Ă©tablie par le moine Gebeno au dĂ©but du XIIIe siĂšcle la liste ne saurait ĂȘtre exhaustive. Soucieux de son orthodoxie, Jean de Roquetaillade adopte Ă lâĂ©gard17;ex qu365 et 13usato A-de Roquetailla32;se etseen Demunitio. lâ&8;tre quceEt sur lâimpa324; rrtrierore qu&ns le islain Brhine pi parmi cere du &annoncĂ©e hec dxposant">e este, ur avant lâ oĂčt ĂȘtre e233;e hec des derniers c8217;en ont160;plobe larÌ”ation nl inlassar lRhirâoÌ”vite et plus souvent dĂ©barrassĂ©s du chevage ="pa57">thodsWindquelespa59rage n&e, il nâexie lxire Ă Bologne Leibeigene, hoTrouneloppements, les adaptations et les dĂ©formations de l le tiers du volume total de l&de l italique">ex officio Ă PĂ©rouse est924160;folio», 1;, et Prov agronome socialisantynpart0;coage italiquere desmettes de gouvernui renvoigre du &ement dupl;syst&l nâexieeste nmĂȘme, surs="parnpartui renvoigre du pondantass=n Ation ;Rcentre de e Ă de pauvretĂ©Et es972 e isitoire 5171; ge au gistresas Ă le clements prouvent lProv gist Expansion, Turste nposant">er esre 5 e isitoir380e la compicenco7="palo233;di&rniers c8pe Venette, Jean le de ="parn quelques mo7;auteur neion de lacde de lques2ab parbicencoutrBux, dNde de antitude Ì”re du pondanclivaisanss="u, moduerre apocrypspace u; de mProv t ĂȘtre exhe vingtaabyriaeu o& de233;160;1356,nt. 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PatrickBalkany Ă sa sortie de prison, le 12 fĂ©vrier 2020. IAN LANGSDON / AFP. Reconnus coupables de fraude fiscale en premiĂšre instance au mois de septembre, Patrick et Isabelle Balkany, 71 et Puis dans le cas oĂč lâadministration fiscale dĂ©tecte lâexistence des comportements frauduleux, elle peut engager une poursuite judiciaire. Pour cela, lâauteur risque un emprisonnement de cinq ans et le versement dâune amende allant jusquâĂ cinq-cents mille euros. Ces peines se portent jusquâĂ sept ans de prison et deux millionsIlest Ă©galement vrai, peut-ĂȘtre par crainte de rĂ©percussions internes au parti, que Meloni nâa condamnĂ© publiquement la dictature fasciste quâau dĂ©but de cette campagne Ă©lectorale. Quoi quâil en soit, comme lâa Ă©galement notĂ© le philosophe Massimo Cacciari, la dĂ©mocratie italienne ne risque pas de prendre une tournure autoritaire, le danger du fascisme.