ï»żCest au travers dâune visite interactive que vous allez dĂ©couvrir le monde de la truffe en partant de la plantation des arbres en passant par la rĂ©colte, la commercialisation et en terminant par une approche gastronomique du cĂ©lĂšbre diamant noir . Un film dans lequel on voit en autre, une dĂ©monstration de cavage (recherche de la truffe avec un chien ou un cochon), une
1 Le feu est-il une malĂ©diction funeste pour la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, une sorte dâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs qui provoquera tĂŽt ou tard sa disparition, comme semble lâaffirmer le rapport dâEUROFOR de 1994 ? Doit-on lâassimiler Ă une maladie incurable, rongeant petit Ă petit les ressorts de la vie ? Le mal progresserait en plusieurs phases identifiĂ©es par Braun- Blanquet en 1934. DâaprĂšs le schĂ©ma bien connu de ce botaniste, repris dans la plupart des manuels traitant de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, les incendies transforment dâabord les belles futaies dâyeuses en forĂȘts claires et chĂ©tives. Puis, sous les assauts redoublĂ©s des flammes, les forĂȘts clairsemĂ©es se rĂ©duisent Ă des Ăźlots boisĂ©s envahis par un maquis hirsute. La garrigue est la phase terminale de cette alopĂ©cie galopante du sol mĂ©diterranĂ©en. Lorsquâelle disparaĂźt Ă son tour, la garrigue cĂšde la place Ă des versants rocailleux, dĂ©nudĂ©s et sans schĂ©ma trĂšs simplificateur de la dĂ©gradation de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne a profondĂ©ment marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations de chercheurs pour qui le feu a Ă©tĂ© et demeure un redoutable ennemi. Cette approche catastrophiste de la problĂ©matique des incendies sâest traduite par une focalisation sur les excĂšs du climat mĂ©diterranĂ©en et sur la fragilitĂ© de la forĂȘt comme Ă©lĂ©ments dâexplication. Il en dĂ©coule implicitement un vĂ©ritable procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, dont les caractĂšres si particuliers seraient responsables des feux. En substance, la nature mĂ©diterranĂ©enne porterait en elle les germes de sa propre destruction la sĂ©cheresse estivale rĂ©currente et lâinflammabilitĂ© de la vĂ©gĂ©tation entraĂźneraient le retour inĂ©luctable du feu. Les grands incendies de lâĂ©tĂ© 2003 qui ont affectĂ© le Sud-Ouest de lâEurope plus de 400 000 ha uniquement au Portugal, conjuguĂ©s aux effets dâune canicule des plus sĂ©vĂšres, semblent abonder dans ce sens. Doit-on pour autant cĂ©der Ă la facilitĂ©, en contribuant Ă instruire un dossier Ă charge Ă lâencontre dâune forĂȘt dont le gros dĂ©faut, en dĂ©finitive, est de brĂ»ler trop aisĂ©ment ?3 Lâobjectif de cet article est de remettre largement en cause ce modĂšle dâexplication. La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne brĂ»le depuis des temps trĂšs reculĂ©s. Elle est pourtant toujours prĂ©sente dans le paysage. Le retour pĂ©riodique des feux est-il rĂ©ellement la consĂ©quence logique dâune nature ingrate, esclave dâune climatologie des extrĂȘmes ? Ne peut-on pas avancer dâautres Ă©lĂ©ments dâexplication ? Notamment, quelle responsabilitĂ© attribuer aux sociĂ©tĂ©s humaines ? La politique de prĂ©vention, conduite depuis le xixe siĂšcle, est-elle adaptĂ©e et Ă lâabri de toute critique ? LâactualitĂ© rĂ©cente fournit lâoccasion dâune mise en perspective de cette rĂ©alitĂ© mĂ©diterranĂ©enne ancienne qui, pour Ă©viter le piĂšge du catastrophisme, doit ĂȘtre resituĂ©e dans sa dimension Ă©tĂ©s de braises et de cendres4 LâannĂ©e 2003, en France, restera dans les mĂ©moires comme lâune des plus dramatiques sur le plan des incendies de forĂȘt ». Câest par cette phrase que commence le bilan des feux de forĂȘt dans le Sud-Ouest de lâEurope en 2003, publiĂ© dans la revue Rendez-vous technique de lâONF Gilbert, 2004, p. 18. Tout en comprenant lâĂ©moi suscitĂ© par les images de dĂ©solation quâinspirent les forĂȘts en flammes ou les bois carbonisĂ©s photo 1, on ne peut ĂȘtre que surpris par la dramatisation faite de ce bilan, rĂ©digĂ© par un responsable de la sous-direction des forĂȘts au ministĂšre de lâAgriculture. Dans une rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne pĂ©riodiquement affectĂ©e par les incendies, les feux de 2003 ont-ils Ă©tĂ© Ă ce point exceptionnels ?Photo. 1ForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentForĂȘt de chĂȘnes-liĂšges incendiĂ©e dans le massif des Maures en aoĂ»t 2003. Col du Bougnon, clichĂ© pris le 27 dĂ©cembre 2003 V. ClĂ©mentUne nouvelle offensive du feu5Les bilans avancĂ©s par les services forestiers des pays du Sud-Ouest de lâEurope font apparaĂźtre de fortes disparitĂ©s. Le Portugal est de loin le pays le plus dĂ©vastĂ© par les feux de lâĂ©tĂ© 2003, avec un total de 417 000 ha brĂ»lĂ©s tabl. 1. Il est suivi par lâEspagne 130 190 ha, la France 61 545 ha et lâItalie 58 902 ha. Ces chiffres ne concernent pas uniquement des superficies forestiĂšres puisquâils incluent aussi les surfaces couvertes de maquis ou de garrigues. En Italie par exemple, sur les 58 902 ha brĂ»lĂ©s, moins de la moitiĂ© 24 328 ha ont affectĂ© des forĂȘts. Lâimportance relative des feux en 2003 semble incontestable. Mais, en dehors du cas portugais, le bilan nâatteint pas des niveaux jusquâĂ prĂ©sent 1Le bilan des incendies dans le Sud-Ouest de lâEurope en hectares, pĂ©riode 1993-2003AnnĂ©esEspagneFranceItaliePortugal199389 33111 901203 74949 963 1994437 63522 605136 33477 3231995143 4689 98848 884169 612199659 8143 11957 98888 867199798 50312 250111 23030 5351998133 64311 243155 553158 369199982 21712 78271 11770 6132000188 58618 860114 648159 604200166 07517 96576 42796 6672002107 4726 29940 768123 9102003103 19061 54558 902417 000Moyenne annuelle153 693 ha18 855 ha107 560 ha144 246 haLe bilan des incendies dans le Sud-Ouest de lâEurope en hectares, pĂ©riode 1993-20036 En France par exemple, 2003 est sans aucun doute une trĂšs mauvaise annĂ©e sur le front des incendies. Elle fait partie des huit annĂ©es les plus fortement touchĂ©es par le feu depuis 1977. Ce nâest pas pour autant une annĂ©e exceptionnelle. En 1989 et en 1990, le feu avait parcouru respectivement 56 871 ha et 53 897 ha, soit un ordre de grandeur comparable Ă celui de 2003. La perception dâun bilan catastrophique en France est liĂ©e Ă deux causes principales. La pĂ©riode antĂ©rieure est caractĂ©risĂ©e par une trĂšs nette accalmie. Au cours de la dĂ©cennie Ă©coulĂ©e, aucune annĂ©e nâa enregistrĂ© un total de superficies brĂ»lĂ©es supĂ©rieur Ă 23 000 ha. LâannĂ©e 2002 a Ă©tĂ© particuliĂšrement clĂ©mente seulement 1 677 dĂ©parts de feu ont Ă©tĂ© recensĂ©s. Ils ont parcouru 6 299 ha, soit une superficie trĂšs infĂ©rieure Ă la moyenne dĂ©cennale 18 855 ha/an. Autre donnĂ©e dâimportance, les feux de 2003 sont concentrĂ©s en majoritĂ© dans le Var 18 820 ha et en Haute-Corse 20 908 ha, qui totalisent 64,5 % des superficies incendiĂ©es en 2003. Or, les chiffres de 2002 sont incomparablement plus bas 173 ha dans le Var et 993 ha en Haute-Corse. Cette grande diffĂ©rence avec les annĂ©es antĂ©rieures et la rĂ©pĂ©tition des feux dans ces deux dĂ©partements se sont donc traduites par la perception dâun phĂ©nomĂšne exceptionnel, alors que lâannĂ©e 2003 a Ă©tĂ© moins dĂ©sastreuse que 1990 dans le Var 26 960 ha brĂ»lĂ©s.7En Espagne et en Italie, lâannĂ©e 2003 nâa rien non plus dâexceptionnel. On est encore loin des bilans catastrophiques de 1993 et de 1994, annĂ©es durant lesquelles plus de 200 000 ha en Italie et plus de 430 000 ha en Espagne ont Ă©tĂ© parcourus par les flammes. En dĂ©finitive, seul le bilan du Portugal est rĂ©ellement hors norme. Les 417 000 ha incendiĂ©s ont affectĂ© 4 % du territoire national, soit deux fois plus quâen 1991, annĂ©e qui jusquâĂ prĂ©sent dĂ©tenait le triste record des superficies brĂ»lĂ©es 182 486 ha chez nos voisins mythe du pyromahne fou8 Comment expliquer la recrudescence des feux de forĂȘt en 2003 ? Faut-il encore une fois invoquer avec fatalisme lâaction prĂ©datrice des pyromanes, dont la fascination maladive pour le feu serait responsable du bilan de cet Ă©tĂ© ? Ou bien existe-t-il un lien mĂ©canique entre la canicule et les incendies ? On ne dira jamais assez quâen forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne les dĂ©parts de feu sont dans leur grande majoritĂ© dâorigine humaine. La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne, bien que brĂ»lant facilement, ne sâenflamme pas toute seule. Contrairement Ă dâautres forĂȘts dans le monde en particulier la taĂŻga, la foudre ne provoque quâune faible proportion des Ă©closions dâincendies, le plus souvent moins de 5 %. Les Ă©ruptions volcaniques, autre cause naturelle possible des incendies de forĂȘt, sont rares autour de la MĂ©diterranĂ©e. Lâhomme est en rĂ©alitĂ© responsable de la plus grande partie des feux, dans des proportions qui varient entre 92 % et 98 % selon les pays concernĂ©s Velez, 2000 ; Colin et al., 2001 ; Porrero Rodriguez, 2001.9Tous les incendiaires ne sont pas des pyromanes pris subitement dâun coup de folie. Le plus souvent, les feux sont liĂ©s Ă des nĂ©gligences ou des malveillances Alexandrian, Gouiran, 1992. MalgrĂ© les campagnes dâinformation, il est assez dĂ©solant de constater que les gestes dâincivilitĂ© jets de mĂ©gots, grillades en forĂȘt et autres bris de verre dĂ©clenchent encore et toujours des dĂ©parts de feux, notamment le long des autoroutes du Sud-Est de la France Esnault, 1995. Ces feux prennent rarement un caractĂšre catastrophique. Ils ont en revanche un effet indirect trĂšs nĂ©gatif en obligeant les services de lutte Ă disperser leurs moyens sur le terrain. Les feux intentionnels sont beaucoup plus dĂ©vastateurs. Ils sont pensĂ©s, prĂ©parĂ©s, prĂ©mĂ©ditĂ©s pour crĂ©er le plus de dommage possible, notamment en allumant plusieurs dĂ©parts de feu simultanĂ©s un jour de grand vent. Les motifs de ces incendies volontaires ne manquent pas protestation contre la crĂ©ation dâun parc naturel, revendication politique contre le pouvoir central, opposition contre le reboisement dâanciens pĂąturages, conflit entre les chasseurs et dâautres utilisateurs de la forĂȘt, spĂ©culation sur la requalification dâespaces forestiers en terrains urbanisables, recherche dâemploi dans la lutte contre lâincendie ou dans les travaux de restauration, et la liste est encore longue Velez, 2000. Loin du mythe un peu naĂŻf du pyromane fou, les feux de forĂȘt sont donc largement rĂ©vĂ©lateurs des enjeux Ă©conomiques et des conflits pour la maĂźtrise de lâ chaleurs et vents violents 10Les alĂ©as mĂ©tĂ©orologiques jouent aussi leur rĂŽle en crĂ©ant des conditions plus ou moins favorables Ă la propagation des feux, en particulier les coups de chaleur et les vents violents, comme nous lâa rappelĂ© la canicule de lâĂ©tĂ© 2003 dans le Sud-Ouest de lâEurope. Au Portugal, pays le plus affectĂ© par les incendies de forĂȘt, lâannĂ©e 2003 aura Ă©tĂ© lâune des plus chaudes du siĂšcle Ă©coulĂ©. Entre janvier et septembre 2003, la plupart des stations ont enregistrĂ© des tempĂ©ratures maximales supĂ©rieures Ă la normale, exceptĂ© pour le mois de fĂ©vrier. La canicule a Ă©tĂ© Ă la fois intense et exceptionnellement longue, puisquâelle a sĂ©vi du 11 juillet jusquâĂ la mi-aoĂ»t. Au mois dâaoĂ»t, les records de chaleur ont Ă©tĂ© battus dans huit stations portugaises, avec des valeurs atteignant ou dĂ©passant 39,5 °C. En France aussi les tempĂ©ratures maximales ont atteint des valeurs trĂšs Ă©levĂ©es dont les effets ont Ă©tĂ© amplifiĂ©s par le fort dĂ©ficit hydrique. Entre le 1er fĂ©vrier et le 18 aoĂ»t 2003, le Sud-Est de la France et la Corse nâont reçu que 200 mm de prĂ©cipitations, soit un dĂ©ficit pluviomĂ©trique de 50 % par rapport Ă la Toutefois, il nây a pas toujours de corrĂ©lation stricte entre les conditions mĂ©tĂ©orologiques et les feux de forĂȘt. Dans le cas du Portugal, la figure 1 met en Ă©vidence les anomalies de tempĂ©ratures maximales enregistrĂ©es en aoĂ»t 2003. Le diffĂ©rentiel entre les moyennes des tempĂ©ratures maximales atteintes en aoĂ»t 2003 et celles calculĂ©es sur la pĂ©riode 1961-1990 est plus accentuĂ© dans les rĂ©gions de Lisbonne et du Tras os Montes. Dans ces deux rĂ©gions, les moyennes des tempĂ©ratures maximales normales, plus basses que dans les parties continentales et mĂ©ridionales du Portugal notamment dans lâAlentejo, ont Ă©tĂ© plus fortement dĂ©passĂ©es. Ce nâest pas pour autant lĂ quâil a fait le plus chaud cet Ă©tĂ©. Les records absolus de chaleur ont Ă©tĂ© sensiblement plus Ă©levĂ©s Ă Evora 43 °C et Ă Beja 45,4 °C quâĂ Bragança 39,5 °C et Ă Lisbonne 41,6 °C. Les secteurs les plus fortement incendiĂ©s ne recoupent que trĂšs partiellement les aires les plus affectĂ©es par lâeffet canicule. Le large couloir central des grands incendies sâexplique aussi par la conjonction de trois autres facteurs la circulation des vents dominants dâouest en est, lâexistence dâun axe autoroutier majeur entre Lisbonne, lâEspagne et le reste de lâEurope, et lâimportance relative dans cette partie du Portugal des plantations dâeucalyptus trĂšs inflammables Arnould et al., 1997, p. 324.Fig. 1Feux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaiteFeux de forĂȘt et canicule en aoĂ»t 2003 au Portugal une corrĂ©lation imparfaite12 Il nây a donc pas de liens mĂ©caniques entre la canicule et les feux de forĂȘt. Quant Ă Ă©tablir un lien Ă©ventuel entre les feux de 2003 et le changement climatique global, phĂ©nomĂšne sur lequel nous avons encore beaucoup dâincertitudes Leroux, 2002 ; Godard, 2001, il est difficile de se prononcer et cela pour plusieurs raisons. Dâune part, la canicule de 2003 nâest pas un accident climatique isolĂ©. De tels coups de chaleur se reproduisent environ tous les 20 Ă 30 ans, les Ă©pisodes les plus marquants des 50 derniĂšres annĂ©es Ă©tant ceux de 1947, 1976 et 1983. Les climatologues de MĂ©tĂ©oFrance, qui ont analysĂ© la canicule de 2003, nâĂ©tablissent aucun lien avec le changement climatique global Bessemoulin et al., 2004. Dâautre part, le climat mĂ©diterranĂ©en est caractĂ©risĂ© par une forte variabilitĂ© inter-annuelle des tempĂ©ratures, y compris en Ă©tĂ© Douguedroit, 1997. Il serait donc pour le moins hasardeux de conclure que la canicule et les feux de lâĂ©tĂ© 2003 sont la consĂ©quence du changement climatique global, plutĂŽt quâun alĂ©a mĂ©tĂ©orologique finalement assez banal autour de la lâessentiel nâest sans doute pas lĂ . La recherche scientifique sur les incendies de forĂȘt en MĂ©diterranĂ©e sâest trop appuyĂ©e sur le facteur climatique comme Ă©lĂ©ment explicatif, contribuant ainsi Ă instruire un faux procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne. La chaleur et le vent certes stimulent la propagation des feux, mais il faut rĂ©affirmer avec force quâils nâen sont pas la cause directe. Comme cela a Ă©tĂ© rappelĂ©, la trĂšs large majoritĂ© des Ă©closions dâincendies est dâorigine humaine, et leur rĂ©pĂ©tition sâinscrit dans lâĂ©paisseur du temps. Il semble par consĂ©quent nĂ©cessaire dâaccorder une attention particuliĂšre Ă la dimension historique du phĂ©nomĂšne retour dâun vieux dĂ©mon14Dans cette forĂȘt habitĂ©e depuis des millĂ©naires par les sociĂ©tĂ©s mĂ©diterranĂ©ennes, le feu est une rĂ©alitĂ© inscrite sur la longue durĂ©e. La mise en perspective historique de la problĂ©matique du feu est une clĂ© essentielle de comprĂ©hension du phĂ©nomĂšne. Si lâhumanisation ancienne de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne nâest plus Ă dĂ©montrer, on ne peut que constater avec Ă©tonnement la raretĂ© des recherches historiques sur les incendies. Sans prĂ©tendre Ă lâexhaustivitĂ©, essayons de retracer briĂšvement les principaux jalons de la relation ancienne entre la forĂȘt, le feu et les vĂ©gĂ©tation fille du feu 15La forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne nâest certainement pas fragile, comme on peut le lire encore trop souvent. Elle possĂšde au contraire une surprenante vigueur si lâon songe aux nombreuses contraintes auxquelles elle doit faire face la sĂ©cheresse estivale, les coups de froid ou de chaleur, et bien entendu le feu. Les vĂ©gĂ©taux mĂ©diterranĂ©ens sont bien adaptĂ©s au retour pĂ©riodique des incendies. Leur aptitude innĂ©e Ă la reconquĂȘte permet aux plantes de la MĂ©diterranĂ©e de resurgir des sols calcinĂ©s dĂšs la premiĂšre ou la seconde annĂ©e aprĂšs le passage dâun chĂȘne-liĂšge voir photo 1 en est lâun des meilleurs exemples grĂące Ă son Ă©paisse Ă©corce subĂ©reuse, il renaĂźt trĂšs souvent de ses cendres. Dâautres espĂšces, comme le pin dâAlep ou le pin brutia, ne sont pas seulement rĂ©sistantes au feu. Ce sont des pyrophiles actives qui favorisent les incendies car elles ont besoin de leur passage rĂ©gulier pour se reproduire. Les fortes tempĂ©ratures atteintes lors dâun incendie font Ă©clater les cĂŽnes, permettant ainsi lâessaimage des pignons. La teneur en rĂ©sine trĂšs inflammable des pins augmente fortement le risque dâincendie. De plus, ces conifĂšres propagent rapidement le feu par la projection de flammĂšches et de brandons. Les sautes de matiĂšres enflammĂ©es peuvent atteindre plus de 2 km dans le cas des pinĂšdes de pin dâAlep, entraĂźnant ainsi lâallumage de foyers secondaires dans au moins 40 % des cas Alexandrian, 2002. La vĂ©gĂ©tation des sous-bois favorise aussi les incendies. Les olĂ©astres, les pistachiers-tĂ©rĂ©binthes ou les lentisques contiennent des rĂ©sines ou des huiles trĂšs inflammables. Tous ces vĂ©gĂ©taux possĂšdent de surcroĂźt une partie ligneuse trĂšs dĂ©veloppĂ©e qui fournit au feu une grande quantitĂ© de matiĂšres Le caractĂšre pyrophile de la vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne est le rĂ©sultat dâune longue Ă©volution qui remonte au moins au NĂ©olithique. Lâintensification des incendies, liĂ©e au dĂ©veloppement des cultures et Ă la nĂ©cessitĂ© dâouvrir des espaces de pĂąturage pour les troupeaux domestiques, a largement contribuĂ© Ă diffuser les chĂȘnes sempervirents et les pins mĂ©diterranĂ©ens, au dĂ©triment parfois de forĂȘts caducifoliĂ©es prĂ©existantes comme lâa dĂ©montrĂ© A. Durand 1998 pour le Languedoc. En Espagne, parmi les nombreux gisements anthracologiques analysĂ©s par Vernet 1997, p. 129, celui de la Cova de Cendres province dâAlicante est lâun des plus reprĂ©sentatifs de la transformation ancienne des paysages forestiers mĂ©diterranĂ©ens par le feu. Vers 7 500 BP, la vĂ©gĂ©tation de cette rĂ©gion ibĂ©rique se composait dâune chĂȘnaie verte, accompagnĂ©e par un chĂȘne caducifoliĂ© probablement le chĂȘne faginĂ©. Lâexploitation de la chĂȘnaie, ainsi que la pratique de lâĂ©levage et de lâagriculture, se sont traduites par une premiĂšre phase dâouverture des peuplements vers 6 000 BP. Lâutilisation du feu est signĂ©e par lâapparition de bio-indicateurs pyrophiles comme le pin dâAlep. La substitution de la chĂȘnaie par une pinĂšde Ă pin dâAlep nâapparaĂźt quâau dĂ©but du NĂ©olithique, entre 6 000 et 4 500 BP. Elle est liĂ©e en grande partie Ă la multiplication des incendies dâorigine humaine. La rĂ©pĂ©tition des feux durant le Chalcolithique et lâĂąge du Bronze, entre 4 000 et 3 000 BP, a provoquĂ© lâexpansion dâun matorral composĂ© de pyrophytes ciste, romarin, lavande, bruyĂšre multiflore au dĂ©triment de la La vĂ©gĂ©tation mĂ©diterranĂ©enne actuelle est ainsi largement la fille du feu. DĂšs la PrĂ©histoire, le feu a constituĂ© un moyen efficace dâamĂ©nagement des forĂȘts par les paysans du NĂ©olithique Arnould, 2002. La cohabition du feu, des hommes et de la forĂȘt sâest prolongĂ©e tout au long de lâhistoire. Le feu nâĂ©tait pas uniquement liĂ© aux activitĂ©s agricoles ou pastorales, comme en tĂ©moignent les auteurs de lâ feux antiques19Zeus, Jupiter ou Vulcain, ces dieux majeurs des thĂ©ogonies antiques nous rappellent que, dans la mythologie grecque ou latine, le feu est indissociable de la reprĂ©sentation de lâUnivers. Avec lâair, lâeau, la terre, il en constitue un des Ă©lĂ©ments essentiels. Les auteurs antiques sont des tĂ©moins privilĂ©giĂ©s de leur temps. Beaucoup ont Ă©tĂ© Ă la source des sciences modernes. Il est par consĂ©quent logique dâinterroger leurs Ă©crits pour connaĂźtre lâimportance et la diversitĂ© des feux aux origines de lâhistoire autour de la MĂ©diterranĂ©e. Comment lâincendie Ă©tait-il apprĂ©hendĂ© ? Ătait-il considĂ©rĂ© comme un bienfait servant Ă lutter contre une forĂȘt trop envahissante ? Ou Ă lâinverse, Ă©tait-il perçu comme une calamitĂ© rĂ©currente quâil fallait combattre ?20 DâaprĂšs les auteurs de lâAntiquitĂ©, le feu pouvait avoir trois origines diffĂ©rentes. Le plus souvent, ils associaient les feux spontanĂ©s Ă des forces divines ou surnaturelles. Cependant, dans son traitĂ© De la nature, LucrĂšce 98-55 av. se dĂ©marque de cette vision des choses. Pour lui, le feu peut ĂȘtre provoquĂ© par le frottement des branches ou par la foudre Si pourtant un arbre branchu vacille sous les vents et ployant sâĂ©chauffe contre les branches dâun autre arbre, une Ă©tincelle jaillit par le frottement violent et parfois Ă©clate la ferveur ardente des flammes tandis que les branches et les troncs sâentrechoquent » De la nature, V. 1096-1100. Cette thĂ©orie du frottement des branches est une croyance ancienne, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e par Thucydide 460-395 av. quatre siĂšcles auparavant La Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Concernant la foudre, LucrĂšce explique longuement quâelle nâest pas dâorigine divine De la nature, VI. 379-422. Elle se produit par le choc des nuages ou par lâĂ©chauffement du vent, et sâĂ©coule Ă grande vitesse comme un fluide en brĂ»lant tout sur son passage. Les feux dâorigine naturelle sont perçus comme un mauvais prĂ©sage ou comme une fatalitĂ©. Virgile 70-19 av. Ă©crit dans sa premiĂšre bucolique Ce malheur bien souvent, mais jâĂ©tais aveugle, nous a Ă©tĂ© prĂ©dit, je me rappelle maintenant, par les chĂȘnes atteints du feu cĂ©leste ». Mais plus loin, dans la septiĂšme bucolique, il avance une interprĂ©tation plus rationnelle, en associant de maniĂšre prĂ©cise le feu au solstice dâĂ©tĂ© et aux chaleurs ardentes de la saison estivale Les Bucoliques, p. 25 et p. 59.21 Le feu Ă©tait aussi une technique de guerre pour rĂ©duire un ennemi, au mĂȘme titre que le siĂšge ou lâassaut dâune citĂ©. Au cours des nombreuses batailles qui opposĂšrent les Perses et les Grecs, le feu sâest rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre une arme redoutable. HĂ©rodote 484-420 av. raconte dans son enquĂȘte quâen 498 av. lors de lâexpĂ©dition des AthĂ©niens contre la citĂ© de Sardes Asie Mineure, la ville fut totalement ravagĂ©e par un incendie provoquĂ© par des jets de flĂšches enflammĂ©es EnquĂȘte, V. 99-102. Les Lydiens durent abandonner la ville et se rĂ©fugier dans les forĂȘts du mont Tmolos. La mĂȘme technique militaire Ă©tait utilisĂ©e dans les combats fratricides entre les citĂ©s grecques. Thucydide rapporte comment en 429 av. les PĂ©loponnĂ©siens ont incendiĂ© la ville de PlatĂ©e, dans lâAttique. Ils entassĂšrent des fagots de bois autour de la ville, puis y mirent le feu avec du soufre et de la poix enflammĂ©e Guerre du PĂ©loponnĂšse, II. 77. Ils ont ainsi provoquĂ© un incendie dâune extraordinaire violence. De tels brasiers, que seules les pluies pouvaient arrĂȘter, se propageaient souvent aux forĂȘts tous les feux dâorigine humaine nâĂ©taient pas inhĂ©rents Ă lâart de la guerre. La troisiĂšme manifestation du feu chez les auteurs antiques est liĂ©e aux pratiques agro-pastorales. Lucain 39-65 ap. nous livre un tĂ©moignage sans ambiguĂŻtĂ© sur lâimportance des feux pastoraux en Thessalie au Ier siĂšcle de notre Ăšre Ainsi, quand lâApulien, sâapprĂȘtant Ă faire pousser le gazon dans les plaines oĂč tout a Ă©tĂ© broutĂ© et Ă renouveler les herbes dâhiver, Ă©chauffe la terre avec la flamme, on voit briller Ă la fois Garganus et les champs de Vultur et les pacages brĂ»lants de Matinus » La Guerre civile, la Phrasale, IX. 180-186. Ces feux couvraient de vastes superficies qui ne se limitaient pas Ă la plaine, puisque Lucain nous informe indirectement que les montagnes boisĂ©es dâApulie Garganus, Vultur et Matinus Ă©taient aussi parcourues par les flammes. MalgrĂ© les dommages causĂ©s aux forĂȘts, cette pratique de rĂ©gĂ©nĂ©ration des pĂąturages par des brĂ»lis plus ou moins maĂźtrisĂ©s nâest pas dĂ©noncĂ©e par les agronomes latins. Dans les traitĂ©s dâagriculture de Columelle ier siĂšcle ap. ou de Palladius dates inconnues, ive siĂšcle ap. elle apparaĂźt comme une technique tout Ă fait banale Columelle, II. 2 ; Palladius, IX. 4.23 Si le feu promĂ©thĂ©en a permis dâarracher lâhumanitĂ© Ă la vie sauvage, son utilisation nâa pas toujours Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique. Les feux guerriers ou pastoraux provoquĂšrent, dĂšs lâAntiquitĂ©, la ruine de certaines forĂȘts. Platon 427-347 av. dans le Critias, dresse un bref Ă©tat des lieux de lâAttique, en dĂ©plorant le dĂ©boisement des montagnes Critias, p. 532. Ă la place des vastes forĂȘts prĂ©existantes, Platon dĂ©crit un paysage de rochers dĂ©nudĂ©s, de champs pierreux dĂ©pourvus de terre vĂ©gĂ©tale et de sources taries. SinguliĂšrement, il en attribue la cause Ă un mystĂ©rieux cataclysme, alors que lâusage du feu est plus certainement responsable de la dĂ©forestation et du ravinement de ces chasse aux incendiaires24 Ă partir du Moyen Ăge, le fait le plus notable par rapport Ă lâAntiquitĂ© est la prise de conscience du risque que reprĂ©sentent les incendies. Cela se traduit par lâadoption de lois visant Ă dissuader les incendiaires. Le droit wisigoth en Espagne fut sans doute lâun des premiers Ă assimiler lâincendie de forĂȘt Ă un dĂ©lit. Dans le Fuero Juzgo de lâan 654, tout homme surpris Ă brĂ»ler la forĂȘt Ă©tait condamnĂ© Ă une amende et Ă recevoir cent gifles livre VIII, titre III, alinĂ©a 2. Les mesures de protection des forĂȘts ont Ă©tĂ© reprises dans les textes de lois espagnols postĂ©rieurs Siete Partidas de 1263, Ordenamiento de AlcalĂĄ de 1325. Mais ces dispositions juridiques se rĂ©vĂ©lĂšrent peu efficaces. Lors des Cortes de Valladolid de 1351, Pedro Ier 1334-1369 dĂ©nonça les dĂ©gĂąts commis contre les forĂȘts ceux qui vivent dans les contrĂ©es des pinĂšdes et des yeuseraies les coupent et les brĂ»lent pour faire de nouvelles terres, et ainsi ils dĂ©truisent tout » Real Academia de Historia, Cortes de Valladolid, tome II, titre 61, p. 36. Pour Ă©viter de tels agissements, Pedro Ier durcit la lĂ©gislation. Les individus coupables dâavoir incendiĂ© la forĂȘt devaient ĂȘtre condamnĂ©s Ă mesures avaient pour but de prĂ©venir les dommages causĂ©s par les incendies. En Sardaigne, la Charte de Logus, Ă©dictĂ©e en 1386 par Eleonora dâArborea 1347-1404, contient plusieurs dispositions de prĂ©vention regroupĂ©es dans les Ordinamentos de foghu Scanu, 1991. DâaprĂšs lâarticle 49, les citoyens devaient participer Ă la crĂ©ation et Ă lâentretien dâun coupe-feu appelĂ© doha autour des villes et des villages, en Ă©liminant les herbes et les arbustes. Ce travail sâeffectuait chaque annĂ©e, au dĂ©but du mois de juillet. Ceux qui ne participaient pas Ă cette tĂąche collective Ă©taient tenus responsables en cas dâincendie. La peine encourue Ă©tait le paiement dâune amende et la perte de la main droite, voire la condamnation Ă mort pour les incendies les plus Toutes ces mesures de lutte contre les incendies ont Ă©tĂ© reformulĂ©es Ă maintes reprises Ă lâĂ©poque moderne Amouric, 1992, p. 129-131. En France par exemple, la Chambre des eaux et forĂȘts du parlement dâAix-en-Provence promulgua en 1602 un arrĂȘtĂ© faisant inhibitions ausdits propriĂ©taires et vsagers, de ne couper aucun bois pour le brusler sur les lieux, faire eyssarts pour conuertir la terre en labeur ». Cette prohibition est rĂ©itĂ©rĂ©e dans des termes presque identiques par deux autres arrĂȘtĂ©s du parlement dâAix datant de 1633 et de 1659 archives dĂ©partementales de Digne, circulaires, arrĂȘtĂ©s et ordonnances dâAncien RĂ©gime, liasse A2. Lâordonnance de Colbert de 1669 Ă©tend cette interdiction Ă toutes les forĂȘts du royaume. En effet, lâarticle 32 du titre XXVII dĂ©fendait Ă quiconque dâeffectuer des brĂ»lages en forĂȘt ou dans les landes sous peine de chĂątiments corporels et du paiement dâune amende DevĂšze, 1962. Ces dispositions sont rappelĂ©es par le parlement dâAix-en-Provence en 1706, 1763 et 1773 Amouric, 1992, p. 130. La rĂ©itĂ©ration de ces interdits dĂ©montre Ă lâĂ©vidence leur inefficacitĂ©. Ă cela plusieurs explications la taille des superficies Ă surveiller, la difficultĂ© de contrĂŽler lâactivitĂ© des nombreux coureurs de bois qui exerçaient leur activitĂ© en forĂȘt bergers, charbonniers, gemmeurs, cueilleurs de plantes mĂ©dicinales⊠ou encore le poids des usages et des xix e siĂšcle, lâentrĂ©e en scĂšne des nouveaux acteurs que sont les ingĂ©nieurs forestiers a permis sans doute une meilleure prise en compte du risque que reprĂ©sentait le feu dans les forĂȘts. Mais ce ne fut pas la fin des incendies, bien au contraire. Lâappropriation souvent autoritaire de la gestion des forĂȘts par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres, au dĂ©triment des communautĂ©s rurales Kalaora, Savoye, 1986 ; Corvol, 1987 ; Bouisset, 1998 ; ClĂ©ment, 2002, sâest accompagnĂ©e dâune recrudescence des incendies. Le feu est devenu lâune des formes de protestation des ruraux contre la remise en cause de leurs droits sĂ©culaires Amouric, 1992, p. 117. Les reboisements effectuĂ©s par les services forestiers restauration des terrains de montagne en France, reboisement des baldios au Portugal, reboisements du patrimonio forestal en Espagne, suivis dâune interdiction stricte de tous les droits dâusage, attisĂšrent encore plus la colĂšre paysanne. Ainsi, dans la province de Soria en 1868, de grands incendies furent provoquĂ©s par les communautĂ©s rurales pour dĂ©noncer les nouvelles plantations de pins rĂ©alisĂ©es sur dâanciens terrains de parcours. Les services forestiers qualifiĂšrent ces actes dâattentats vandaliques » et de stupides vengeances », ne laissant par lĂ mĂȘme aucun doute sur la nature protestataire de ces feux Breñosa, 1869. Les mĂȘmes causes produisirent les mĂȘmes effets dans les CĂ©vennes, Ă partir des annĂ©es 1870 Cornu, 2003.28Au total, retenons deux idĂ©es simples de cette brĂšve mise en perspective historique. Tout dâabord, les feux sont loin dâĂȘtre un phĂ©nomĂšne rĂ©cent. Toute lâhistoire de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est traversĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies. Ensuite, les feux de forĂȘt ne sont pas le rĂ©sultat des caractĂ©ristiques particuliĂšres du milieu, postulat qui est pourtant au cĆur du procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne instruit par tout un courant de recherche sur les incendies. La rĂ©pĂ©tition des feux est avant tout un fait culturel, inscrit dans un systĂšme de relations ambivalent entre la forĂȘt et les sociĂ©tĂ©s puisque le feu Ă©tait perçu soit comme un mode de gestion efficace par les communautĂ©s paysannes Grove, Rackham, 2001 ; Landsberg, 1997, soit comme un danger par les Ă©lites politiques. La prĂ©vention des incendies engagĂ©e depuis le xixe siĂšcle a-t-elle permis de rĂ©duire ce risque ?Les errances de la politique de prĂ©vention29DĂšs le xix e siĂšcle, en liaison avec lâapparition des diffĂ©rentes administrations forestiĂšres dans le Sud-Ouest de lâEurope, la lutte contre les incendies a Ă©tĂ© fondĂ©e sur un renforcement de la criminalisation des feux et sur le postulat dâune forĂȘt fragile et menacĂ©e. Cette approche de la problĂ©matique des feux, qui a perdurĂ© durant la plus grande partie du xxe siĂšcle, a non seulement orientĂ© la prĂ©vention des incendies vers une protection lourde contre les feux dĂ©clarĂ©s, mais elle a aussi constituĂ© lâessentiel de la politique forestiĂšre, au dĂ©triment dâune vĂ©ritable valorisation Ă©conomique de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne. Ătait-ce la meilleure façon de prĂ©server cette forĂȘt anciennement habitĂ©e par les hommes ?Les effets pervers de la criminalisation des feux30La prĂ©vention moderne des incendies en forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne remonte Ă la seconde moitiĂ© du xixe siĂšcle. DĂšs 1865, Ch. de Ribbe posait les fondements de la lutte contre le feu dans son ouvrage intitulĂ© Des incendies de forĂȘts dans la rĂ©gion des Maures et de lâEsterel. Leurs causes. Leur histoire. Moyens dây remĂ©dier. Ce livre prĂ©curseur, amplement diffusĂ© Ă lâĂ©poque Chalvet, 2000, p. 235, fut le point de dĂ©part de la loi du 6 juillet 1870 sur la protection des forĂȘts des Maures et de lâEsterel que lâon appelait alors, de maniĂšre tout Ă fait symptomatique, la rĂ©gion du feu ». La loi de 1870 Ă©nonça les principes essentiels de la lutte contre les incendies. Les solutions avancĂ©es Ă©taient assez comparables aux dogmes actuels lĂ©gifĂ©rer pour interdire tout brĂ»lage en forĂȘt, dĂ©broussailler les sous-bois, Ă©tablir un coupe-feu, promouvoir la crĂ©ation dâun service de lutte avec des agents spĂ©cialisĂ©s, Ă©lĂ©gamment baptisĂ©s les sapeurs des forĂȘts » Ribbe, 1865, p. 75-76 et p. 95.31 Tous les ingrĂ©dients de lâĂ©chec relatif de la lutte contre lâincendie Ă©taient dĂ©jĂ rĂ©unis. Comme le soulignent Grove et O. Rackham, la criminalisation du feu au cours de lâhistoire nâa jamais Ă©tĂ© dâaucune efficacitĂ© pour protĂ©ger les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes Groves, Rackham, 2001, p. 229. Elle est de plus assez contradictoire avec la nĂ©cessitĂ© de dĂ©broussailler les sous-bois, ce qui traditionnellement a Ă©tĂ© effectuĂ© par les feux paysans occupational burning. Au xixe et durant la premiĂšre moitiĂ© du xxe siĂšcle, la limitation drastique des droits dâusage par les diffĂ©rentes administrations forestiĂšres a largement contribuĂ© Ă ruiner lâĂ©conomie agro-sylvo-pastorale des arriĂšres-pays mĂ©diterranĂ©ens et Ă accĂ©lĂ©rer leur baisse Lâexemple des Maures et de lâEsterel est particuliĂšrement rĂ©vĂ©lateur de lâimpasse dans laquelle sâest durablement Ă©garĂ©e la politique de prĂ©vention. Ă la suite des grands incendies de forĂȘt de 1877 dans ces massifs, lâingĂ©nieur forestier A. de Guiny, en poste dans le Var, exprimait dĂ©jĂ et sans rĂ©serves les limites de la loi de 1870 On doit, en effet, se demander si la loi nouvelle nâest pas inefficace, si les travaux entrepris dans les forĂȘts de lâĂtat nâont pas Ă©tĂ© inutiles, en un mot, si lâimpossibilitĂ© de lutter contre les incendies des forĂȘts du Var nâest pas dĂ©finitivement dĂ©montrĂ©e » Guiny, 1877, p. 513. Le principal obstacle soulignĂ© par A. de Guiny est lâinapplicabilitĂ© du dĂ©broussaillement, en raison de son coĂ»t trĂšs Ă©levĂ© dans un espace ayant subi un fort exode rural. En 1886, le docteur F. Depelchin a consacrĂ© tout un chapitre sur les feux des Maures et de lâEsterel dans son ouvrage sur les ForĂȘts de la France. Le livre a Ă©tĂ© favorablement commentĂ© par lâingĂ©nieur forestier Le Grix dans la Revue des Eaux et ForĂȘts Le Grix, 1886. F. Depelchin critiquait lui aussi la lĂ©gislation contre les incendiaires de 1870 et pointait du doigt lâĂ©cueil majeur que reprĂ©sente lâabsence de toute valorisation Ă©conomique de la forĂȘt La mĂ©thode vĂ©ritablement curative consisterait Ă dĂ©velopper rationnellement, Ă amĂ©liorer, Ă encourager la culture et les industries forestiĂšres dans la rĂ©gion des Maures et de lâEsterel [âŠ]. Câest Ă ce prix et par ce moyen que les incendies ne seront plus Ă redouter » Depelchin, 1886, p. 363. En 1933, dans son livre sur lâHomme et la forĂȘt, P. Deffontaines dressa un bilan alarmiste de la progression des incendies dans les Maures et lâEsterel entre 1880 et 1929. Les feux ont en effet parcouru 35 000 ha entre 1880 et 1900, 55 000 ha entre 1900 et 1915, 143 000 ha entre 1915 et 1929. P. Deffontaines Ă©tablissait alors un lien direct entre lâaugmentation des feux et lâabandon des terres Cette progression funeste sâexplique par la disparition de cultures qui coupaient autrefois les massifs, opposant des obstacles Ă la marche des flammes. Le pays se dĂ©peuple, les cultures reculent ; ici, bien loin que ce soit les boisements qui en profitent, câest le feu qui trouve un milieu plus favorable » Deffontaines, 1933, p. 158.33 Au lieu de dĂ©velopper lâĂ©conomie forestiĂšre, la multiplication des interdits a non seulement ruinĂ© le systĂšme agro-sylvo-pastoral traditionnel, mais elle a de surcroĂźt conduit Ă une dangereuse perte de lien social entre la forĂȘt et les populations autochtones. La remise en cause de la gestion paysanne de la forĂȘt et lâexode vers les villes ont eu des effets contre-productifs. Au fil du temps, la densification du couvert vĂ©gĂ©tal, le vieillissement des taillis, la reconquĂȘte arbustive des sous-bois et lâaccumulation de bois morts liĂ©e Ă la rĂ©duction des prĂ©lĂšvements, ont augmentĂ© la prĂ©sence de matiĂšre combustible dans les forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes du Sud-Ouest de lâEurope. Les choix en matiĂšre de politique de lutte contre les incendies au xixe siĂšcle, en grande partie responsables de lâĂ©tat actuel des forĂȘts, ont fortement augmentĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne en rompant lâĂ©quilibre instable qui sâĂ©tait instaurĂ© entre les communautĂ©s paysannes et le milieu forestier. Le problĂšme du dĂ©brousaillement des forĂȘts est toujours dâactualitĂ©, et il est loin dâĂȘtre prĂ©supposĂ© de la forĂȘt en danger34Lâautre idĂ©e hĂ©ritĂ©e du xixe siĂšcle servant encore Ă lĂ©gitimer la lutte contre le feu est celle dâune forĂȘt en danger. Les assauts rĂ©pĂ©tĂ©s des flammes entraĂźneraient inĂ©luctablement la disparition de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne EUROFOR, 1994. Ce postulat erronĂ© va souvent de pair avec une vision misĂ©rabiliste de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, inlassablement qualifiĂ©e de dĂ©gradĂ©e, fragile ou chĂ©tive. Si tel Ă©tait le cas, pourquoi engager autant de moyens pour protĂ©ger une forĂȘt ayant perdu toute valeur Ă©cologique ou paysagĂšre ?35 Au-delĂ de cette vision catastrophiste, assimilant le feu Ă une menace permanente pour la forĂȘt, on peut opposer un point de vue diffĂ©rent. Le feu nâa pas que des effets nĂ©gatifs. Les traits si originaux de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, notamment sa composition floristique et ses mosaĂŻques paysagĂšres, sont largement tributaires dâune histoire rythmĂ©e par le retour pĂ©riodique du feu. Le passage des incendies permet de conserver des milieux ouverts, maquis ou garrigues, qui constituent un vĂ©ritable conservatoire de la biodiversitĂ© mĂ©diterranĂ©enne MĂ©dail, Quezel, 1997. Du point de vue de la dynamique forestiĂšre, M. Barbero, P. Quezel et R. Loisel ont dĂ©montrĂ© que lâincendie Ă©tait une perturbation indispensable Ă la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne Barbero et al., 1990 ; ClĂ©ment, 1999. Ă long terme, lâabsence totale de feu rĂ©duirait considĂ©rablement la prĂ©sence des espĂšces pionniĂšres et pyrophiles, ce qui aurait pour effet de limiter les capacitĂ©s de rĂ©silience de la forĂȘt dâĂȘtre menacĂ©e par le retour pĂ©riodique des incendies, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne est en pleine expansion depuis le xix e siĂšcle. Elle recolonise les espaces progressivement abandonnĂ©s par lâagriculture ou par lâĂ©levage dans les arriĂšre-pays mĂ©diterranĂ©ens du Sud-Ouest de lâEurope. Ainsi, dans les PrĂ©alpes du Sud, les surfaces forestiĂšres ont Ă©tĂ© multipliĂ©es en moyenne par trois depuis un siĂšcle Vallauri, 1997, p. 336. Les reboisements en pin noir dâAutriche effectuĂ©s par les services de Restauration des terrains de montagne RTM ne reprĂ©sentent quâune faible part de cette reconquĂȘte forestiĂšre moins de 5 %. Pour D. Vallauri, celle-ci est surtout le fait dâune dynamique spontanĂ©e, engendrĂ©e par la dĂ©prise rurale. Le retour de la forĂȘt se poursuit de nos jours au cours des dix derniĂšres annĂ©es, la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne française a progressĂ© de 11 % ClĂ©ment, 1999 ; ClĂ©ment, Jappiot, 2005. Il ne sâagit pas uniquement de formations pionniĂšres. On assiste aussi par endroits Ă un retour de chĂȘnes caducifoliĂ©s, notamment le chĂȘne pubescent sur le versant mĂ©ridional de la montagne de Lure. Ce nâest pas un cas spĂ©cifique Ă la France. Le chĂȘne faginĂ© en Espagne, le chĂȘne pyrĂ©nĂ©en au Portugal et le chĂȘne chevelu en Italie reconquiĂšrent aussi des territoires perdus au dĂ©triment des chĂȘnes sempervirents Simon, 1997, p. 179.37 La diabolisation du feu est par consĂ©quent un non-sens, tant du point de vue de la biodiversitĂ© que de la dynamique forestiĂšre. La crainte quâil suscite tient surtout Ă la modification de la perception du phĂ©nomĂšne. Autrefois, le feu entrait dans le registre des pratiques habituelles et assumĂ©es par les populations locales, mĂȘme si par ailleurs il Ă©tait dĂ©noncĂ© par les Ă©lites politiques et par les forestiers. Aujourdâhui, dans nos sociĂ©tĂ©s ultra-sĂ©curitaires et urbaines, le feu est toujours vĂ©cu comme un Ă©chec, une crise, une menace. Plus que par rapport Ă la forĂȘt, la lutte contre les incendies trouve sa lĂ©gitimitĂ© dans la protection des biens et des personnes qui ont rĂ©cemment investi le milieu forestier. Il sâagit bien souvent de nĂ©o-ruraux, installĂ©s temporairement ou durablement rĂ©sidences secondaires, retraitĂ©s, rurbains, sans avoir de liens rĂ©els avec le milieu forestier. Ces nouveaux habitants de la forĂȘt nâont pas de mĂ©moire du risque. La forĂȘt est pour eux un simple dĂ©cor. Elle symbolise une libertĂ© retrouvĂ©e face Ă lâespace de contrainte que constitue la ville, au mĂȘme titre que les riviĂšres dont la proximitĂ© est recherchĂ©e malgrĂ© le risque dâinondation Vanssay, 2003, p. 54. La progression de lâurbanisation autour des grandes villes mĂ©diterranĂ©ennes et le mitage de la forĂȘt par les villas dans les espaces touristiques littoraux nâont pas créé la problĂ©matique du feu. En revanche, ils ont assurĂ©ment ouvert un nouveau front dâincendies en multipliant les interfaces forĂȘt-urbanisation. Cela ne signifie pas que le risque dâincendies ait disparu des espaces ruraux. En 2003, le dĂ©partement de Haute-Corse, en grande partie rural, a Ă©tĂ© le plus touchĂ© des dĂ©partements français prĂšs de 21 000 ha brĂ»lĂ©s, contre seulement 2 308 ha dans les Bouches-du-RhĂŽne.Les nouvelles orientations de la lutte contre lâincendie38Depuis deux dĂ©cennies, on assiste Ă une formidable mobilisation scientifique, juridique et technique pour lutter contre le feu. Le premier forum international sur les stratĂ©gies de prĂ©vention des incendies dans les forĂȘts du Sud de lâEurope, qui sâest tenu Ă Bordeaux du 31 janvier au 2 fĂ©vrier 2002, tĂ©moigne de la mobilisation sans prĂ©cĂ©dent de la recherche dans ce domaine Union des sylviculteurs du Sud de lâEurope et al., 2002. Au-delĂ de la mise en Ćuvre dâapproches sophistiquĂ©es SIG, tĂ©lĂ©dĂ©tection, modĂ©lisation mathĂ©matique pour identifier les zones Ă risque, modĂ©liser la dynamique des feux, Ă©tudier lâinflammabilitĂ© des vĂ©gĂ©taux ou Ă©tablir des prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques plus fines, ce qui retient le plus lâattention est la redĂ©couverte de mĂ©thodes de gestion traditionnelles. Les brĂ»lages dirigĂ©s, lâintroduction de troupeaux dĂ©broussailleurs ou encore la reconstitution de mosaĂŻques paysagĂšres rappellent Ă©trangement les formes de gestion paysanne de la forĂȘt tant dĂ©criĂ©es auparavant. Les plans de prĂ©vention intĂšgrent de plus en plus ces diffĂ©rents aspects, dans une vision plus large dâamĂ©nagement du territoire Delannoy, Viret, 2003, p. 67.39 Lâexemple de la politique de lutte contre les incendies menĂ©e dans les PyrĂ©nĂ©es-Orientales illustre parfaitement cette Ă©volution. Avant 1990, la stratĂ©gie adoptĂ©e fonctionnait en vase clos elle Ă©tait conçue par des forestiers, sur un domaine forestier, avec des moyens forestiers » Bourgoin, 2002. Cet esprit de corps, faisant de la forĂȘt le domaine rĂ©servĂ© des forestiers, sâest traduit par une orientation lourde de lutte contre les incendies dĂ©clarĂ©s. Les amĂ©nagements DFCI DĂ©fense des forĂȘts contre lâincendie tĂ©moignent de cette orientation. Ils se limitent Ă trois types dâĂ©quipements les pistes dâaccĂšs, les pare-feu 25 m de part et dâautre dâune piste et les points dâeau. Ces amĂ©nagements sont principalement destinĂ©s aux interventions dâurgence, sans pour autant apporter de rĂ©ponse durable Ă la problĂ©matique du feu. De plus, les pĂ©rimĂštres DFCI, conçus dâabord pour lutter contre les incendies dans les Landes, ont Ă©tĂ© Ă©tendus aux rĂ©gions mĂ©diterranĂ©ennes oĂč ils se sont rĂ©vĂ©lĂ©s peu efficaces en raison principalement des difficultĂ©s dâaccessibilitĂ© relief plus accidentĂ© et du morcellement de la propriĂ©tĂ© forestiĂšre. Ă partir de 1990, les responsables de la Direction dĂ©partementale de lâagriculture et de la forĂȘt DDAF des PyrĂ©nĂ©es-Orientales ont essayĂ© dâapprĂ©hender la prĂ©vention contre les incendies dans une approche plus globale dâamĂ©nagement de lâespace rural. Ă la place des pare-feu de dimension rĂ©duite et dont lâentretien engloutissait des moyens financiers colossaux passage des dĂ©broussailleuses tous les 3 ou 4 ans, de grandes coupures pastorales ont Ă©tĂ© créées au dĂ©but des annĂ©es 1990 dans les subĂ©raies du piĂ©mont des AlbĂšres. Cela a permis de protĂ©ger plus efficacement la forĂȘt, tout en assurant le redĂ©marrage de lâexploitation du liĂšge et en offrant aux Ă©leveurs de nouvelles aires de Les Plans de prĂ©vention des forĂȘts contre lâincendie PPFCI, instaurĂ©s en France par la loi du 9 juillet 2001, traduisent la mĂȘme volontĂ© de dĂ©passer le strict amĂ©nagement des forĂȘts pour lutter contre lâincendie. Lâune des innovations des PPFCI est de ne plus se limiter au cadre communal. En effet, les PPFCI doivent ĂȘtre Ă©laborĂ©s pour chaque massif forestier, indĂ©pendamment des divisions administratives Delannoy, Viret, 2003. Lâautre nouveautĂ© de la loi de 2001 est dâimpliquer plus largement les Ă©lus locaux dans un systĂšme dâacteurs trĂšs pyramidal, avec un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de lâĂtat. Cette Ă©volution est cependant limitĂ©e. Les Ă©lus locaux ont un poids dĂ©cisionnel encore trĂšs discret dans la politique de lutte contre les incendies. En revanche, ils ont des obligations nouvelles. Les maires sont tenus de faire respecter le dĂ©broussaillement de la loi de 2001. Ils sont en particulier chargĂ©s dâĂ©tablir un Plan intercommunal de dĂ©broussaillement et dâamĂ©nagement des forĂȘts PIDAF. Les actions entreprises dans le cadre des PIDAF sont financĂ©es entre 80 % et 100 % par lâĂtat. Si la loi de 2001 va dans le bon sens, les mesures envisagĂ©es sont encore bien timides. Pour lutter plus efficacement contre les incendies, la plupart des spĂ©cialistes sâaccordent aujourdâhui sur la nĂ©cessitĂ© de revitaliser lâĂ©conomie forestiĂšre, de redonner aux forĂȘts mĂ©diterranĂ©ennes leur vocation multifonctionnelle, et de dĂ©velopper la gestion participative de ces milieux anciennement humanisĂ©s AIFM, 2002.Conclusion41 Ainsi, plutĂŽt que de dresser un procĂšs contre la nature mĂ©diterranĂ©enne, en invoquant avec un certain fatalisme les excĂšs du climat ou la prĂ©tendue fragilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, il serait sans doute plus rationnel dâadmettre que le feu est une rĂ©alitĂ© ancienne avec laquelle on doit cohabiter HĂ©tier, 1993. Cela ne signifie pas quâil ne faut rien faire. Le modĂšle de gestion des incendies en AmĂ©rique du Nord, consistant Ă laisser courir le feu stratĂ©gie du Let burn » tout en protĂ©geant plus ou moins efficacement les biens et les populations, comme on a pu le voir rĂ©cemment en Californie feux de novembre 2003, nâest pas applicable en Europe. Personne ne conteste la nĂ©cessitĂ© dâun cadre juridique ou lâutilitĂ© de mobiliser des moyens de lutte. Mais Ă lâĂ©vidence, cette approche est insuffisante pour Ă©viter le retour pĂ©riodique des grands apparaĂźt donc indispensable de bousculer un certain nombre dâidĂ©es reçues, et en particulier de lever le tabou dâune forĂȘt non productive. Cette vision rĂ©ductrice dĂ©coule de critĂšres inadaptĂ©s pour Ă©valuer la rentabilitĂ© de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne, trop souvent inspirĂ©s de lâĂ©conomie sylvicole de lâEurope du Nord. De plus en plus de spĂ©cialistes considĂšrent que la meilleure protection contre les incendies serait dâengager une vĂ©ritable politique de valorisation des productions directes bois, liĂšge, gemme, plantes mĂ©dicinales⊠ou indirectes Ă©levage, trufficulture, tourisme⊠de la forĂȘt mĂ©diterranĂ©enne AIFM, 2002. Mais cela suppose une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle vis-Ă -vis dâune forĂȘt trop souvent victime dâimages nĂ©gatives. [*] Notes [*] Je tiens Ă remercier vivement Paul Arnould, professeur Ă lâENS-LSH, qui a bien voulu relire le manuscrit et me faire part de ses remarques.
Vidal2000: VIDAL (L.)._ Mise en valeur et amĂ©nagement des campagnes de la Protohistoire au Moyen-Ăge dans la France du Sud : l'exemple du Languedoc central et oriental. ThĂšse de doctorat sous la direction de Ch. Llinas, UniversitĂ© Paul ValĂ©ry,
Pour sa quatriĂšme Ă©dition, le One Planet Summit a rĂ©uni, le 11 janvier 2021 de 14h00 Ă 17h00 CET, des dĂ©cideurs du monde entier pour accĂ©lĂ©rer lâaction internationale en faveur de la nature. Ont notamment participĂ© Ă ce sommet 11 chefs dâEtat et de gouvernement Allemagne, Canada, Costa Rica, France, Italie, Mauritanie, Monaco, NorvĂšge, Pays-Bas, RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo et Royaume-Uni, ainsi que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOrganisation des Nations Unies, le Prince de Galles, la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne et le prĂ©sident du Conseil europĂ©en. Les principaux rĂ©sultats enregistrĂ©s Ă lâissue de ce sommet sont les suivants 1. ProtĂ©ger les Ă©cosystĂšmes terrestres et marins La France et le Costa Rica ont lancĂ© la Coalition de la haute ambition pour la nature et les hommes, qui entend crĂ©er les conditions permettant lâadoption dâune cible ambitieuse de protection de la nature par la Convention sur la diversitĂ© biologique en fin dâannĂ©e. Cette mobilisation a permis dâaboutir, aujourdâhui, au ralliement Ă cette coalition de 52 Etats qui sâengagent Ă Ćuvrer Ă la protection de 30 % des espaces terrestres et marins d'ici 2030. Le PrĂ©sident de la RĂ©publique a annoncĂ©, en ce qui concerne la France, quâil sâengageait Ă appliquer ce niveau de protection pour nos territoires marins et terrestres dĂšs 2022. Il a par ailleurs annoncĂ© la publication de la StratĂ©gie pour les aires protĂ©gĂ©es, permettant de documenter la trajectoire prĂ©vue pour atteindre cet objectif. Les moyens humains des opĂ©rateurs publics concernĂ©s seront renforcĂ©s dans les trois prochaines annĂ©es, notamment par la mobilisation du service civique. Une nouvelle coalition pour la mer MĂ©diterranĂ©e, mer MĂ©diterranĂ©e exemplaire en 2030 », a Ă©tĂ© lancĂ©e aujourdâhui par lâEspagne, la France et la principautĂ© de Monaco. Elle est construite autour de 4 engagements 1 dĂ©velopper un rĂ©seau dâaires protĂ©gĂ©es ; 2 mettre fin Ă la surpĂȘche ; 3 lutter contre la pollution marine et mettre fin au plastique Ă usage unique ; 4 verdir le transport maritime. Cette coalition poursuivra ses efforts pour mobiliser dâautres Etats du pourtour de la MĂ©diterranĂ©e, mais Ă©galement les acteurs rĂ©gionaux, locaux, la sociĂ©tĂ© civile et le secteur privĂ©. Le Sommet des deux rives ainsi que le CongrĂšs de lâUICN Ă Marseille seront lâoccasion de renforcer cette dynamique. 2. Promouvoir lâagro-Ă©cologie Reconnaissant que lâagro-Ă©cologie permet de prĂ©server la biodiversitĂ© tout en rĂ©pondant aux objectifs de dĂ©veloppement durable et de crĂ©ation dâemplois, ce One Planet Summit a pris le parti dâen faire un Ă©lĂ©ment important dâengagement international. Cet enjeu se pose avec une acuitĂ© particuliĂšre en Afrique, oĂč effets du changement climatique, dĂ©gradation des terres et perte de biodiversitĂ© se combinent et menacent la sĂ©curitĂ© alimentaire de nombreux pays. Dans ce cadre, a Ă©tĂ© mis en place un programme, dĂ©nommĂ© AccĂ©lĂ©rateur de la Grande muraille verte GGW Accelerator ». Cette initiative multi-acteurs a pour objectif de catalyser les efforts financiers de lâensemble des bailleurs. Elle souhaite donner un nouvel Ă©lan Ă cette ambitieuse initiative africaine, lancĂ©e dans les annĂ©es 1980, pour verdir le Sahel. Les diffĂ©rents partenaires de lâinitiative se sont engagĂ©s Ă mobiliser prĂšs de 14 milliards dâeuros milliards USD de financements internationaux dans les 11 pays concernĂ©s dâici 2025. 14,3 milliards de dollars sont dĂ©jĂ programmĂ©s. La PrĂ©sidente de la Commission europĂ©enne a annoncĂ© quâelle pourrait mobiliser plus de 2,5 milliards dâeuros pour y contribuer, dans sa programmation en prĂ©paration. Plus dâune centaine dâentreprises, regroupĂ©es autour de la charte IAM AFRICA International Agroecological Movement for Africa se sont en outre engagĂ©es Ă contribuer Ă la mise en Ćuvre des objectifs de transition agro-Ă©cologique dans les pays de la GMV. Un secrĂ©tariat chargĂ© du suivi de ces engagements a Ă©tĂ© mis en place auprĂšs de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dĂ©sertification. Le PrĂ©sident de la RĂ©publique sâest engagĂ© Ă suivre cette initiative dans le cadre du prochain sommet Afrique France, prĂ©vu Ă Montpellier en juillet prochain. Pour la France, un soutien Ă la plantation de 7 000 km de haies agricoles dâici 2022 a Ă©tĂ© annoncĂ© par le PrĂ©sident de la RĂ©publique, confirmant lâimpulsion nouvelle donnĂ©e Ă la transition agro-Ă©cologique de lâagriculture française dans le cadre du plan de relance. 3. Mobiliser des financements pour la biodiversitĂ© Sous lâimpulsion du Prince de Galles a Ă©tĂ© annoncĂ©e lâAlliance pour lâinvestissement dans le capital naturel, Ă laquelle participent dĂ©jĂ HSBC Pollination Climate Asset Management, Lombard Odier et Mirova. Elle regroupe les acteurs de la finance souhaitant accroĂźtre leurs investissements dans la restauration de la biodiversitĂ©. Elle a pour objectif de mobiliser 10 milliards de dollars pour la nature dâici 2022. LâOPS a permis de poser les bases dâune coalition pour la convergence des financements en faveur du climat et de la biodiversitĂ© qui vise Ă construire davantage de synergies entre action climatique et prĂ©servation de la biosphĂšre. Ses membres travailleront Ă accroitre la part de leurs financements en faveur du climat bĂ©nĂ©ficiant Ă©galement Ă la biodiversitĂ©. Ce principe a Ă©tĂ© soutenu lors de lâOPS par le Canada, la France, la NorvĂšge et le Royaume-Uni. A titre national, la France a indiquĂ© quâau moins 30% de ses financements en faveur du climat intĂšgrerait, Ă lâhorizon 2030, des co-bĂ©nĂ©fices pour la biodiversitĂ©. Cette cible sera atteinte dĂšs 2025 pour les financements portĂ©s par lâAgence Française de DĂ©veloppement AFD. LâOPS a Ă©tĂ© lâoccasion dâapporter une impulsion politique, notamment par le Canada, la France et le Royaume-Uni, Ă la Taskforce on Nature-related Financial Disclosure TNFD. Cette initiative, portĂ©e par des acteurs publics et privĂ©s, dont une cinquantaine dâinstitutions financiĂšres de premier rang, Ă©laborera un cadre de mesure des risques, impacts et bĂ©nĂ©fices des activitĂ©s Ă©conomiques en matiĂšre de biodiversitĂ© â Ă lâimage de la TCFD sur le climat. Enfin, le Canada a annoncĂ© quâil contribuera jusquâĂ 55 millions de dollars canadiens 35,3 M⏠au Land Degradation Neutrality fund LDN, pour soutenir la gestion et la restauration durables des terres, notamment en Afrique. La France a annoncĂ© quâelle rejoindrait Ă©galement lâinitiative. Avec cette annonce, qui permettra de catalyser des investissements supplĂ©mentaires du secteur privĂ©, le fonds LDN a le potentiel dâatteindre les objectifs fixĂ©s lors de son lancement, au One Planet Summit de dĂ©cembre 2017. 4. ProtĂ©ger les forĂȘts, les espĂšces et la santĂ© humaine La France a lancĂ© lâinitiative PREZODE PREventing ZOonotic Diseases Emergence qui mettra en place une coopĂ©ration inĂ©dite Ă lâĂ©chelle internationale entre acteurs de la recherche et rĂ©seaux de vigilance sanitaire, avec notamment le soutien de la FAO, pour la prĂ©vention de nouvelles pandĂ©mies issues de rĂ©servoirs animaux. Elle est engagĂ©e en concertation avec de nombreux acteurs de la recherche europĂ©ens et mobilise dĂ©jĂ plus de 400 chercheurs et experts de la santĂ© humaine, animale et environnementale, au niveau international. Le One Planet Summit a Ă©tĂ© lâoccasion dâun point dâĂ©tape sur lâAlliance pour la prĂ©servation des forĂȘts tropicales, annoncĂ©e au G7 de 2019. LâAllemagne et la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo ont annoncĂ© leur adhĂ©sion Ă lâalliance. Le dĂ©bat sur la dĂ©forestation importĂ©e a permis de noter, quâoutre des stratĂ©gies nationales dĂ©veloppĂ©es notamment par la France et les Pays-Bas, le Parlement et la Commission europĂ©enne sâengageaient sur un calendrier permettant de prendre des dĂ©cisions fortes de lutte contre la dĂ©forestation importĂ©e dans le courant de lâannĂ©e 2021. Pour sa part, le PrĂ©sident de la RĂ©publique a indiquĂ© quâen complĂ©ment de ces dĂ©cisions, la France mettrait en Ćuvre sa stratĂ©gie nationale en faveur des protĂ©ines vĂ©gĂ©tales, publiĂ©e il y a quelques semaines. Par ailleurs, et afin de complĂ©ter ce dispositif, il a appelĂ© Ă la mise en place dâune coopĂ©ration entre lâEurope et lâAfrique permettant dây dĂ©multiplier la production de protĂ©ines vĂ©gĂ©tales selon des mĂ©thodes agro-Ă©cologiques. Ceci dans le but de renforcer la sĂ©curitĂ© alimentaire en Afrique tout en contribuant Ă lâapprovisionnement de lâUnion europĂ©enne en protĂ©ines vĂ©gĂ©tales. Le PrĂ©sident de la RĂ©publique a rĂ©itĂ©rĂ© sa dĂ©termination Ă suivre lâensemble de ces engagements et a ainsi fixĂ© comme prochain point dâĂ©tape le congrĂšs mondial pour la Nature de lâUICN, qui se tiendra Ă Marseille du 3 au 11 septembre 2021.
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